
donner plus de fraîcheur à l’intérieur. A trois lieuesd’Adra nous quittâmes la
plage à la hauteur d’un fort carre' et très-pittoresque, nomme' Castillo de la
Rabida ; là s’ouvrait une valle'e e'troite et fertile que nous suivîmes dé plain-
pied jusque vis-à-vis d’A lbuhol, petite ville sise au penchant d’une colline et
où nous n’entrâmes point. Un peu plus loin nous commençâmes à nous e'ievef
par un sentier rapide sur les flancs de la Contraviesa, à travers .les côtes et les
profonds ravins dont ce terrain de transport est si singulièrement coupe'. Tout
ce pays est couvert de vignobles, et quoique la mer soit à si peu de distance,
les chemins sont tellement mauvais qu’on emploie le vin sur place à distiller
de l’eau-de-vie 5 cette contre'e aurait tout à gagner à l ’ouverture de quelques
routes et à l’amelioration de la culture et de la fabrication du vin ; car tant le
sol que l’exposition sont admirables; Après avoir longtemps monte', nous
arrivâmes au village d’Alfondon., situé dans un site délicieux, vers 3200 pieds
de hauteur, à la limite des vignes et au milieu de bouquets de chênes bel-
lotes et lièges. L’Ulex australis et les Cistus Mùnspeliensis et albidus étaient
devenus très-abondants, et le sommet du passage à 4ooo pieds au-dessus de
la mer environ était ombragé, ainsi que le revers nord, par des bois de Quer-
cus suber. C’était le soir, le temps était délicieux et la vue admirable. Je revis
avec un nouveau plaisir cette Sierra Nevada si précipiteuse et si déchiquetée
de ce côté, et cette sommité du Mulahacen si élevée que malgré la distance
elle semblait surplomber sur nos têtes5 au midi, un premier plan ondulé et
égayé par des villages cachés dans les arbres, nous dérobait la vue des vignes
et du bord immédiat de la mer. A l ’ouest, la croupe où nous étions s’élevait
successivement en monticules boisés jusqu’aux hauteurs de la Sierra de
Lujar, tandis qu’elle s’abaissait à l’orient et se terminait au Rio d’Adra par une
élévation conique nommée le Cerrajon. Une descente d’une heure dans un
vallon boisé m’amena au bourg populeux de Torbiscon, où je passai la nuit.
Ce pays, des deux côtés de la Contraviesa, formait, du temps des Maures, une
des plus riches divisions ou taas de l ’Alpujarra : on le nommait le Cehel 5 il
contient aussi des mines de plomb, mais moins abondantes que celles de Gador;
le versant nord où j ’étais arrivé est bien plus boisé que l’autre, et la culture de
la vigne y remonte aussi moins haut.
Le vallon où est situé Torbiscon aboutit, 3oo pieds plus bas envùon, à une
vallée très-resserrée entre la Contraviesa et les contreforts calcaires de la Sierra
Nevada. Là coule le Rio-Grande, rivière assez considérable et qui se grossit
de tous les torrents de la Sierra dans sa partie occidentale ; des ravins précis
piteux où elle s’engage bientôt obligent le sentier à quitter ses bords et à
suivre a gauche le penchant de la montagne ; nous ne pûmes voir, par cette
raison, l’endroit où les cours d’eau réunis de Trevelez et de Poqueyra viennent
s’y réunir. Ces gorges profondes et encaissées me paraissent devoir être pittoresques
et intéressantes à visiter, si le temps me l ’eût permis j ’eusse essayé de
les remonter jusqu’au village de Cadiar ; elles furent autrefois les Thermopyles
de l’Alpujarra, les Morisques y défendirent plus d’une fois héroïquement l’entrée
de leurs taas ou provinces intérieures, contre l ’ennemi qui arrivait d’Or-
giba déjà conquis. Plus tard-encore, en mars 1569, une troupe d’aventuriers
commandée par Alvaro Flores et Antonio d’Avila, revenait de saccager le
bourg de Valor, habité cependant par des Moriscos de paz, populations soumises
et vivant en paix avec les Espagnols. Poussés au désespoir en se voyant
enlever leurs femmes, leurs enfants et tous leurs troupeaux, les habitants se
réunirent, et quoique à moitié désarmés, fondirent avec furie sur les chrétiens
et les acculèrent dans ces défilés; une terreur panique s’empara bientôt de ces
misérables pillards, et à l ’exception d’une cinquantaine qui se firent jour du
côté d’Adra, tout le reste, au nombre de plus d’un millier, périt avec les chefs.
Juste punition qui eût dû se renouveler plus souvent dans cette guerre
impie où le bon droit devait finir par succomber.
Une vega verte et arrosée, dè plus de deux lieues de long sur une demi-
lieue de large, parut bientôt devant nous ; c’était la plaine d’Orgiba où le Rio-
Grande reprend un cours plus paisible, et on distinguait à son extrémité le
bourg du même nom, assis à la base de la Sierra Nevada, au milieu d’immenses
bois d’oliviers et sur une de ces coulées de terrain, en forme d’éventail, qui
sont si fréquentes dans les vallées des Alpes ; l’église d’Orgiba , surmontée de
deux hautes tours jumelles, est de l ’effet le plus pittoresque. En arrivant vers
une petite venta à l ’entrée de la Vega , je fus témoin d’une violente querelle
entre une bande d’Alpujarrenos qui allaient sur la côte pour travailler à la
récolte du raisin sec, et deux habitants du bourg, où nous nous rendions,
ces derniers couchaient déjà les autres en joue et je croyais que le sang allait
couler, heureusement nous pûmes les séparer et les engager à se retirer chacun
de leur côté. Albacete de Orgiba fut une place de guerre importante dans
la guerre dont je viens de parler; Francisco de Molina, avec une poignée d’Espagnols,
y soutint un sie'ge et se défendit héroïquement contre le roi morisquë
Aben-Aboo, qui était à la..tête de plus de 10,000 hommes; le duc deSesa qui venait
le secourir ayant été mis en déroute entre Lanjaron et Acequias, il quitta les forts
de nuit et arriva presque miraculeusement à Motril avec tout son monde. A en
juger par les boutiques et la foule de paysans que je trouvai dans le bourg, il