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me parut un endroit important, je m’y reposai quelques heures et repartis pour
Lanjaron qui est à deux lieues plus loin ; le sentier quitte le fond de la vallée
du Rio-Grande pour s’élever k droite sur la formation de transport très-accidentée
qui s’appuie contre la SierraNevada. Je fis dans cette traverseedeux trouvailles
botaniques, la première fut celle du Réséda lanceolata, espèce très-remarquable
par la longueur de ses capsules, et qui croit dans les champs en jachère,
l’autre, qui me fit bien plus de plaisir encore, était une magnifique Lava-
tera à fleurs roses formant un buisson de quatre pieds, et que la forme de
ses feuilles cotonneuses me fit de suite juger nouvelle. Je rencontrai une
caravane qui défilait pittoresquement le long d’un sentier en corniche, et animait
cette contrée déserte : elle se composait de dames, d’enfants avec des
chaises, des tables et tous les ustensiles d’une.maison, tout cela voyageait sur
le dos de je ne sais combien de mulets et de chevaux, et sous l’escorte de
soldats k pied et de cavaliers. C’était un alcade nommé en dernier lieu pour
la ville d’Albuüol, et qui s’y rendait avec sa famille. A un détour je me vis
tout k coup en face de Lanjaron dont j ’étais séparé par un profond barranco
descendu de la Sierra : c’est un site si original et si enchanteur, qu’il doit rester
gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont eu le bonheur de le contempler.
Qu’on se figure un penchant de montagne très-rapide, et qui des sommités
de la SierraNevada, entre le Picacho et le Cerro Caballo, descend jusqu’au
bas de la vallée ; aux pentes gazonnées qui occupent les hauteurs, on voit
succéder encore bien au-dessus de soi des champs de seigle y puis des bois de
châtaigniers qui arrivent jusqu’au village. Lanjaron ne forme qu’une longue
rue horizontale, et ses maisons blanches ressortent admirablement au milieu
des arbres qui l’entourent. Plus bas, ce ne sont que des vergers remplis de
vignes gigantesques, d’orangers, de citronniers, de mûriers k l’ombre des-r
quels prospère encore une variété infinie de légumes et de fleurs ; ce délicieux
fouillis de verdure cache les profondeurs du vallon. L’oeil peut ainsi
embrasser les végétations les plus diverses groupées ensemble de la manière
la plus poétique, d’un regard il parcourt leur échelle depuis ces cimes
altières éternel séjour des frimats, jusqu’au jardin des Hespérides. Ce n’est que
par des siècles de travail que les industrieux habitants de Lanjaron sont
parvenus k créer Ce paradis terrestre sur une pente naturellement stérile, en
établissant une multitude de balaies, murs secs pour soutenir les terres, d’ace-
quias qui vont chercher dans des ravins éloignés urfe eau fertilisante, de
brazales, canaux plus petits qui la distribuent dans chaque parcelle de terrain.
Aussi les productions de ce territoire jouissent-elles d’une réputation mentee,
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les raisins sont les plus printanniers de tout le pays, et dès le milieu de juillet
on les voit arriver k Grenade ; les fruits et les légumes sont tout aussi
recherchés. Une telle prospérité, fruit du travail, a agi sur la moralité de la
population qui se distingue avantageusement de toutes celles du voisinage.
La Contrebande, ce fléau de 1 Lspagne, le vol y sont choses inconnues, et
depuis que Lanjaron est habité par les chrétiens, un seul assassinat y a été
commis.
Après avoir contourné le barranco et passé le ruisseau k l’ombre d’énormes
châtaigniers, j ’entrai dans cet heureux village où je trouvai une posada tenue
par un Français, avec des chambres très-propres et quelques meubles," ce qui
est un luxe presque miraculeux dans ce pays-ci. On vient de Grenade passer ici
quelques jours dans la belle saison; quoique la hauteur soit la même que celle de
cette ville, le printemps y arrive plus vite et l’été y est plus tempéré, grâces
aux vents maritimes qui remontent par la vallée de Motril. La mer n’est pas
visible de Lanjaron, on en est séparé par la Sierra de Lujar, aux pentes
boisées et couvertes de broussailles et dont la sommité doit s’élever a plus de
6000 pieds.
Vis-à-vis de Lanjaron^ au pied de rochers calcaires, j ’eus le plaisir de trouver
en fleur, pour la première fois, la Lapiedra Marlinezii, curieuse Amaryllidée
ahflbur blanche ; la Scilla maritivua., ! avant-courrière de l ’automne, commençait
aussi à ;se développer et le Buplevrum gibraltaricum balançait dans les
fentes du roc scs ombelles jaunes. J’avais d’abord pensé à retourner à Grenade
en remontant le ruissèàu de Lanjaron jusque vers le Cerro del Caballo d’où je
serais redescendu dans les vallées du versant septentrional ; mais l’impossibilité
de transporter par là les riches récoltes de mop excursion était évidente, et
j ’étais curieux d’ailleurs de longer', en suivant' la route ordinaire, le pied
occidental de la Sierra Nevada.
On met près de neuf heures à se rendre de Lanjaron à Grenade, à cause
de^sinuosités qu il faut décrire autour des montagnes et des nombreux bar-
rancos; creusés dans,lé terrain de transport qu’il faut traverser. Le sol est argileux
et stérile et ne produit que de çhétifs oliviers. Une vallée qui s’efface
à- mesure qu’on avance et où*coule’un affluent du Rio Grande, sépare la
base de la Nevada des montagnes boiséeis nommées.Sierra de las Almijarras.
Vers le milieu,du chemin on dépasse l’extrémité du grand contrefort schisteux
descendu du Cerro Caballo, et qui peut être coüs'îdéré comme le pied occidental
de la chaîne, aussitôt après on arrive au débouché d’une grande et
fertile vallee vers le haut de laquelle apparaissent les villages de Nigneles et