à les casser-une «à une avec les dents pour en ôter la cicatricule, ils prétendent
que sans cette operation elles ne s’amolliraient pas * et quoique préparées
de la sorte il faut les mettre dans le pot au feu dès le matin pour.
qu’elles soient mangeables le soir. Malgré cçs gages minimes et cette pitoyable
chère, ces hommes paraissent* bien portants é£ contents de|Jeugs sort,
ils accompagnent leur troupeau chantant des copli tas ët ^occupés chemin
faisant à tresser dÉâgrossiàijes et épaisses'^semelles avec des tiges, d’esparto.
C’est la seule chaussure que leur pauvreté leur permette de porter et elle
dure si peu qu’ils tloivent travailler sans interruption pour en avoir toujours
une à substituer à celle qu’ils portent à leurs pieds. L’esparto ne croissant
pas si haut dans la Sierra, ils vont chacun à leur tour en cueillir une
provision sur les collines du pied des montagnes. Rien n’est gracieux comme
de voir à l’approche de la nuit les pentes des environs du hato se couvrir
de troupeaux qui s?approchent lentement, en faisant retentir leurs clochettes;
on les fait entrer à mesure daoe> un parc enclos par des filets -de sparterie,
les bergers se placent aux issues, et attrapent au passage pour les traire les
brebis et les chèvres qui cherchent à s’échapper ; elles passent la nuit en
liberté dans les environ^ de la tienda sous la protection de nombreux chiens
qui font la garde. Les troupeaux du Prado de la Yegua appartiennent a un
habitant de Moriachil qui achète le droit de pâture d’un riche proprietaire
dë la Vega, ce dernier est adjudicataire de- toute la Dehesa quil exploite
soit en vendant de semblables licencias à divers paysans, soit en la faisant
pâturer par ses propres troupeaux. Chacune des vallées de la Sierra e§t occupée
ainsi pendant l’été par des milliers de tetes de petit bétail venu ■ non-
seulement des environs, mais de toute la lisière maritime jusgu à Yelez
Malaga. L ’emplacement des chalets ou tiendas n’a rien de fixe, la simplicité
de leur construction permet de les changer de place suivant la saison. A
la fin de septembre les troupeaux se ^approchent ■ de la Yega., et lorsque
l’hiver est venu ils quittent les environs de Grenade et vont chercher leur
nourriture sur les collines et parmi les^maquiTae la côte. <-
Ces bergers sont en général d’excellentes gens, très-serviables et toujours
disposés à bien recevoir l’étranger qui les visite, à Se déranger pour lui,
à lui céder la meilleure place ; ils s’étonnent lorsqu’on leur offre une rétribution
et beaucoup d’entre eux n’acceptent de paiement que lorsqu’il s’agit
de denrées qui appartiennent au propriétaire et dont ils doivent lui rendre
'compte. A Prado de la Yegua je passais la soirée avec eux autour du feu
en leur distribuant quelques cigares qui les comblaient de joie et j ’ai appris
de cette manière bien des traditions, bien des détails sur. la contrée et les
moeurs de ses habitants. Un des sujets les plus fréquents de conversation était
les Mores sur lesquels ils racontent beaucoup d’histoires. En voici une curieuse
par son analogie avec un conte très-répandu dans les Alpes : Jadis la iSierra
Nevada ne portait pas üe nom et était petite et cultivée jusqu’aux plus hautes
sommités, il y avait meme un hameau moresque assez considérable situé tout
au pied de la Yeleta, dans l’endroit aujourd’hui appgléje Corral; les habitants
y avaient vécu heureux de père en'fils, lorsqu’un jour un vieillard plus
expérimenté que les autres, découvrit dans l’aspelt; du ciel des indices qui
l ’effrayèrent. Il réunit en toute hâte ses voisins et leur ordonna de descendre
au plus tôt dans les vallées avec leurs troupeaux et tout ce qu’ils pourraient rassembler
de leurs biens, attendu qu’un orage qui ne ressemblait à rien de ce
qu’on avait vu jusqu’alors allait fondre sur la montagne. Gomme de raison
on le traita de visionnaire et personne ne l’accompagna ; niais le lendemain
matin, quels ne furent pas l’étonnement etda terreur des gens de la plaine
lorsqu’ils virent les sommités couvertes d’une neige qui depuis ne s’est jamais
retirée entièrement, et le vallon en particulier où était situé le village rempli
de masses prodigieuses de glace qui l’encombrent encore aujourd’hui.
Ces mêmes Mores passent chez les montagnards pour de grands connaisseurs
d’herbes médicinales, et on cite mille traits de leur habileté. Eu voici
un assez curieux : un chrétien habitant du royaume de Grenade fut, il y a
quelques années, pris par les pirates et emmené, ainsi que sa famille, dansl’in-
terieur du Maroc. Un vieillard dont il était esclave perdit la vue quelque
temps après, il fit venir l’Espagnol et lui demanda s’il avait çté dans la Sierra
Nevada; sur sa réponse affirmative, il lui décrivit avec bélmcoup de détails
la position d’un certain vallon et lui ordonna de retourner en Espagne, de
se rendre dé suite à l’endroit indiqué, de s’y promener en long et en
large pendant une demi-Jieure avant le lever du soleil, et de lui rapporter,
soigneusement enveloppés,- les souliers qu’il* aurait portés à ses pieds dans
cette excursion. La famille" du captif devait lui répondre de son retour et
la libertés de tous être le prix de ce service. Tout se passa comme le Maure
l’espérait, il avait appris par de vieilles traditions de ses ancêtres l ’endroit
précis où croissaient les plantes qui pouvaient le guérir, et le suc de ces
plantes dont les semelles des. souliers de l’Espagnol s’imprégnèrent lui rendit
la vue.
Encore aujourd’hui, la Sierra Nevada parait être en grande réputation
chez les Maures < de Barbarie pour la vertu de ses simples, et des gens