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le Guadalhoice ou Rio de Malaga, assez grande rivière qui prend sa source aux
environs d’Antequgra et qu’on passe sur les débris d’un pont de construction
r6maine. Presque toutes les arches sont tombées;, il ne reste que des piliers
massifs couverts d’arbustes et de plantes grimpantes. Ces longue.s ruines qu’on
aperçoit de partout au milieu des plaines, sont d’un effet merveilleux et me
rappelèrent l’âspeçt de là campagne de Rome.
Nous étions arrivés à hauteur de l’extrémité orientale de la Sierra de Mijas
qui , à partir de ce moment, nous cachait la vue de la mer> et nous passâmes à
quelque distance du Retiro, maison de plaisance trop vantée aux étrangers, mais
ou les Malaguenôs trouvent deux choses bien rares dans leurs environs, des
eaux courantes et de l’ombrage. La contrée que .nous parcourions est délicieuse
et d’une extrême Fertilité : c’était tantôt des fermes entourées de leurs
jardins d’orangers, tantôt des forêts d’oliviers où une brise rafraîchissante venait
tempérer la chaleur du jour et au sein desquelles l’oeil pouvait plonger à
l ’infini au travers du léger feuillage des arbres. Bientôt il fallut quitter ce beau
vallon et nous élever sur un vaste plateau inculte qui s’appuie au midi contre
la Sierra. Tout cet espace était couvert, à perte de vue, de cistes, d’arbustes épineux
et parsemé de loin en loin de quelques bouquets de chênes verts rabougris.
Au milieu du trajet nous trouvâmes une hutte en feuillage où quatre
paysans d’Alhaurin faisaient la garde. Plusieurs vols à main armée qui avaient
eu lieu dernièrement sur le chemin, donnaient lieu à .ces précautions ; il eût été,
en effet, difficile aux voleurs de choisir uu^théâtre plus favorable à leurs exploits
que ces steppes désertes.où ils peuvent dresser partout des embuscades et
se mettre a l’abri de toute polirsuite en gagnant la montagfte. Malgré la monotonie
de la végétation, je recueillais^ chemin faisant, quelques jolies plantes, telles
que Çleonia lusijanica, Staehys italica, Thapsia villosg, Dianihus serrulatus et l’élégant
Linum suffruticosum, trèsr commun au milieu des buissons et dont les corolles
sorit successivement rosées, blanches et jaunâtres. Après avoir parcouru
environ cinq lieues, espagnoles, nous descendîmes par une pente: douce dans la
contrée d’Alhaurin, véritable paradis terrestre planté dé mûriers, d’orangers et
arrosé par mille ruisseaux. Ce terrain est naturellement si fertile que sous ces
ombrages on voyait encore mûrir de magnifiques moissons. Il faut l’avoir visité
pour se faire une idée de la puissance végétative du climat de l’Espagne
méridionale, lorsqu’il se trouve favorisé par l ’humidité du sol. Tout était plein
de fraîcheur et de vie à une époque où l’ardeur du soleil dessèche déjà les environs
de Malaga. Les haies de ronces et de Coriaria myrthifolia qui entourent
les cultures étaient encore ornées,, comme dans l’Europe tempérée, d’une foule
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de plantes délicates telles que Fumaria capreolata, Campanula erinus, Géranium
robertianum et lucidum, Veronica cymbalaria, Fedia cornu copioe, Centranthus cal-
ciirapa etArenaria spathulata. Le village, caché dans cètte"mer de verdure, ne
dépare point ce beau pays. Il est considérable et fort propre ; bon nombre
d’habitants de Malaga y possèdent des maisons de campagne où ils viennent
fuir au fort de l’e'té les chaleurs de la côte, et plusieurs familles anglaises qui,
dans l’origine, ne devaienty passer qu’une.saison, n’ont pu se décider à le quitter
et s’y sont définitivement établies^ La posada où je descendis formait, avec le
reste du village, un contraste que je trouvai fort désagréable; elle était sale, incommode,
infestée de .punaises; et pour mettre le comble âmes infortunes,
encombrée de bohémiens ou gitanos, gens les plus grossiers du monde, qui ne
cessèrent pas de vociférer et de se disputer pendant toute la nuit.
Arrivé de bonne heure dans l’après-midi, j ’allai le jour même voir les
sources auxquelles la contrée doit sa prospérité et qu’on appelle nacimientos
ou naissances. Quelques-uns de ces beaux esprits de village qui se tiennent à
la porte des posadas pour causer avec les voyageurs et apprendre les nouvelles,
m’accompagnaient dans ma promenade et eurent soin, en chemin, de
dire mystérieusement à ceux qu’ils rencontraient, que j ’allais lâcher dans l’eau
un serpent des plus extraordinaires. La nouvelle produisit son effet, et nous fûmes
bientôt suivis de la moitié du village. Ce fut alors-un feu roulant de plaisanteries
entre les mystificateurs et les mystifiés, et mon domestique, enlevant
tout à coup le couvercle de sa boîte de fer-blanc, fit redoubler cette gaieté en
mettant en fuite une troupe d’enfants qui croyaient voir déjà le monstre à leurs
trousses. La source où nous étions arrivés est un ruisseau d’une eau légère et
parfaitement limpide, s’échappant des fentes ,^’un terrain calcaire, pierreux, et
de couleur ferrugineuse au pied d’une paroi de rochers qui coupe, sur une longueur
d’une demi-lieue, les pentes arides et uniformes de la Sierra; elle coule
entre des bords ombragéspar de très-beaux peupliers sous lesquels on a disposé
quelques bancs rustiques. Rien ne pourrait rendre la beauté de la vue dont je
jouis ce soir-là au coucher du soleil. A quelques pas au-dessous de nous on
voyait le village avec les orangers qui l’entourent; sur un second plan, les bois
'd’oliviers, puis tout le fond de la vallée, et vis-à-vis, dans le lointain, le massif
imposant de la Sierra de la N.ieve déjà plongé dans une brune lumineuse particulière
ai| ciel .du midi.
Mon ami Hænseler m’avait fortement engagé à gravir la Sierra de Mijas, où
il me promettait une riche récolte, malgré, son aridité apparente. Pour y arriver
je repris pendant quelque temps la route de Malaga, que je laissai eusuile