Je raconterai brièvement ma plus longue excursion qui me conduisit encore
une fois sur les flancs du Mulahacen et à Vacares. Je me dirigeai d’abord en
longeant les pentes occidentales duPicacho au pittoresque Borreguil de Dylar
compose de divers bassins sépares par des rochers,-et dont chacun contient
une mare ou un lac en miniature ; là sur le limon desséche je cueillis une
curieuse variété du Polygomm aviculare à tige longue à peine d’un pouce,
le s talus- environnants m’offrirent la végétation la plus luxuriante que j ’eusse
trouvée encore à ces hauteurs, on y trouvait VEryngium glaciale, le Réséda com-
plicata formant de petits buissons arrondis, la digitale pourpre, Va Crépis opo-
rinoides, le Meum atkamanlicum et surtout le magnifique Cardms carlinoides
des Pyrénées, auxfleurs roses et au feuillage blanchâtre. Un sentier tournoyant,
mais praticable pour les mulets, me conduisit de ce vallon, en une demi-heure"
au Collado de Veleta, d’où je descendis par une pente encore plus rapide et
absolument stérile, dans les premièrs borreguils du barranco de Poqueyra.
I.a traversée horizontale de tous les vallons dont se compose la partie supérieure
de ce barranco est fort pénible, parce que les ravins se creusent profondément
dès leur origine, et qu’il faut sans- cesse monter et descendre.
Quant à suivre immédiatement les crêtes, c’est impossible, je pus à gfand’
peine m’approcher à deux ou trois endroits de leur bord coupé à pic et, me
penchant avec précaution, voir à mes pieds d’horribles précipices et la lagune
allongée dite laguna Larga dont le ruisseau court rejoindre le Barranco de
Infterno. Le long de ces crêtes désolées, le schiste est entièrement à nu, et on ne
voit d autre plante que quelques touffes éparses de la EestuccTpseudoeskia, seule
espèce assez robuste pour résister aux vents glacés qui balayent sâns ' cfesse-
cette arete. Sur le versant sud je trouvai aussi plusieurs lacs, un entré -autres
déplus d’uu quart de lieue de circuit qu’on nomme la Caldera. La végétation
était tout-à-fait celle de 1 autre cote de la chaîne, avec moins* de’ variété peut-
elre, et n était pas plus avancée a la meme hauteur, les taches'de neiges
y étaient tout aussi fréquentes. Je remarquai cependant que les plantés de la
région alpine remontaient plus haut que dans Iw.valléeb de Grenade, ainsi
déjà à plus de 85oo pieds,- on retrouvait des tapis de Juniperus sabîna et des
taillis de Genista aspalathoides avec la Festuca granatensis comme fond du
pâturage. A la meme hauteur s’élevaient, le long des rochers, le Sedum glan-
duliferum et YAntirrhinum molle. Nous arrivâmes le soir, très-fatigués, dans le
vallon le plus oriental de Poqueyra et au pied immédiat du Mulahacen, à ‘7600
pieds d altitude environ; il y avait là des champs de seigle et d’autres de
maïs cultivé seulement comme fourrage, la moisson était presque partout
terminée. Ces cultures appartiennent à des paysans des villages inférieurs de
Pitres et de Capileyra, qui y passaient la nuit dans une caverne assez étendue
où nous nous retirâmes aussi. Les prairies humides des environs étaient couvertes
d’un magnifique Seneçon de quatre à cinq pieds de haut portant
un corymbe de grandes fleurs jaunes ; là commençait une grande acequia ou
canal qui, à ce que me dit un riche labrador de Pitres, faisait toute l’existence
de ce village, sur le territoire duquel elle arrive après un trajet
de plusieurs lieues, aussi quand une avenida l’a coupée ou obstruée, ce
qui arrive souvent, toute la population masculine arrive en masse pour la
réparer.
Le jour .suivant, tournant autour du Mulahacen, j ’arrivai sur le revers
oriental de cette montagne, Treyelez pouvait se distinguer à une immense
profondeur au-dessous de moi ; je traversai des vallons humides encaissés entre
les rochers et fort riches en fougères et en mousses, j ’eus la surprise d’y
trouver à près de 9600 pieds de hauteur, des éboulis couverts des touffes
fleuries du Ligusticum pyrenæum. J’arrivai enfin à mon ancienne station du
Halo de Gualchos; et je visitai ensuite un plateau assez étendu, qui règne au
nord-est du col de Vacares et dépasse aussi9000 pieds, là, passe un sentier
qui vient de l’Alpujarra, et par lequel on peut descendre ou à Guadix, ou à
Grenade en allant joindre la loma de Maytena. Le sol formé de débris
schisteux, est déjà moins couvert de gros quartiers de roc, que dans la partie
plus occidentale de la Sierra, la végétation très-rabougrie s’y composait de
1 Avena glacialis, Ptilotrichum spinosum, Alyssum di/fusum, Eryngium glaciale,
Erodium cheilanthifolium, Artemisia granatensis, Arenaria pungens et une
jolie variété de la Sideritis scordioides couverte d’un épais , duvet blanc.
La position de ces plateaux, assez avancés au nord, me permit d’y bien
examiner la structure de la partie de la Sierra Nevada située à l’orient. La
ligne de faite s’y.compose d’une suite de mamelons peu élevés au-dessus des
cols qui les ,séparent, ces.mamelons sont arrondis, sauf au nord où ils présentent
quelques escarpements. Les vallons qui y prennent naissance sont infiniment
plus courts et ont une pente plus rapide sur le versant septentrional
que sur 1 autre. La plaine de Guadix où vont se terminer ces vallons, et que
j ’avais à mes pieds, est pour le moins aussi élevée que la Vega de Grenade;
les terrains salés y abondent et elle me parut d’une extrême stérilité, les bords
encaissés de quelques cours.d’eau contrastaient avec le reste par leur verdure.
Je pus distinguer dans tous ses détails la ville de Guadix à 4 ou 5 lieues de moi
eù. ligne directe et au nord-ouest. A l’occident de cette ville et au pied d’une