
d’Acequias et dont le torrent vient de la lagima del Caballo, au pied de la
haute sommité du même nom. Le chemin est là coupé par une profonde
ravine que les eaux se sont creusée dans un sol entièrement composé de
débris schisteux; ce passage nommé, parles vieux historiens, le barranco de
Durcal, était célèbre par les actions qui s’y livrèrent dans la guerre de l’Alpu-
jarra; les Morisques connaissant parfaitement le pays, ne manquaient jamais
d’y attaquer les Espagnols, et réussirent souvent à mettre le désordre dans
leurs rangs. Entre Durcal et Padul le pays devient plus fertile et plus cultivé,
les cartes indiquent, près de ce dernier bourg, un petit lac maintenant desséché
et remplacé par des cultures. Après Padul, une pente douce conduit en
peu de temps au point de partage entre les eaux qui s’écoulent dans la Yega et
les affluents du Rio Grande. Ce point est déterminé par des collines argileuses
qui sont la continuation du plateau situé entre Alhama et Grenade et qui
le réunissent à la formation de transport et calcaire des pentes de la Sierra
Nevada. Je m’arrêtai là quelques instants pour saluer la riante Vega éclairée
par le soleil couchant, c’était à cette place même que, 345 ans auparavant, Abî
Abdilèhi ou Boabdil, dernier roi more, jeta] un dernier regard sur cette belle
Grenade à laquelle il disait un éternel adieu et que sa mère, l ’altière Aixa,
l’accabla de ses reproches. Du Suspiro del Moro à la Vega, il n’y a pas plus de
1000 pieds à descendre le long d’une pente doucement inclinée, au pied de
laquelle se trouve le village d’Alhendin. Une demi-heure plus tard j ’étais rentré
à Grenade.
CHAPITRE XIII.
Dernière excursion dans la Sierra Nevada et retour à Malaga.
Le séjour de Grenade n’est pas agréable au mois d’aoùt, à cause de la chaleur
excessive concentrée par les montagnes qui entourent la plaine et empêchent
l’action rafraîchissante des vents de mer. Vers le soir cependant, les
promenades se remplissaient, surtout celle du Xenil la plus fre'quentëe, on y
voyait quelques carrosses* qui, par leur forme, semblaient déjà compter quelques
siècles d’existence, et que traînaient des attelages de mules. Ces animaux,
employés pour le trait, sont un objet de luxe en Espagne, et lorsqu’ils sont
bien choisis, coûtent souvent de six à dix mille francs la paire ; dans d’autres
pays on les apprécierait moins à cause de la forme peu élégante de leur croupe.
Les aguadores circulent dans la foule, offrant aux passants de l’eau qui, suivant
eux, vient de la Fuente de l’Avellano, source très-estimée à une demi-
lieue de la ville , mais qui le plus souvent n’est que celle du Xenil; les plus
huppés vendent des azucarrillos, les autres portent à la ceinture une poche
pleine d’anis sucrés dont on mange quelques-uns avant de boire. On vend
aussi là de Vagua de cebada, espèce de glaces faites avec une infusion d’orge et
du sucre, leur prix est minime et elles passent pour très-salubres.
Je ne m’étendrai pas beaucoup sur mon dernier séjour dans la Sierra, séjour
qui avait pour but la récolte de graines et de plantes à floraison tardive, je
m’écartai peu alors des lieux précédemment parcourus ; c’est pourquoi je ne
donnerai que les détails qui pourront compléter la physionomie de ces montagnes.
Les environs de San Gerônimo où je me rendis d’abord, étaient fleuris
encore malgré la saison avancée, on y voyait d’énormes touffes de la Cen-
taurea ornata aux capitules armés d’énormes épines et qui mérite son nom
par l’abondance de ses fleurs et l’éclat de ses corolles orangées. La Chamoe-
peuce hispanica non moins élégante, croissait abondamment à la lisière des
broussailles. La moisson était alors entièrement terminée, et on était activement
occupé à séparer le grain des épis dans la hera, terrain circulaire et
bien tassé, ou trois mulets attelés de front trottaient sous la conduite d’un des
fils du fermier, debout sur un petit traîneau dans l’attitude des anciens guerriers
grecs sur leur char de guerre. Les bords du Monachil, si délicieux
naguères et où des digitales, des Heracleum et mille autres plantes fleurissaient
au bord même du torrent, avaient été ravagés pendant mon absence
par une de ces trombes ou avenidas si fréquentes dans la montagne. Les rives
ne présentaient plus qu’un gravier aride entre-mêlé de quartiers de roche,
et on voyait les traces de l’inondation jusqu’à 20 pieds au-dessus de l’eau.
On se rappelle cette petite caverne nommée cueva de Panderon, située à
8600 pieds de hauteur, sur la croupe du grand contrefort descendu du Pica-
cho, j ’allai m’y établir pendant une quinzaine de jours pour être à proximité
des points culminants et faire des excursions dans tous les sens. Les deux
neveros auxquels elle servait de refuge, nous la cédèrent hospitalièrement et
passaient la nuit en plein air enveloppés dans leurs capas quand il faisait
beau, ou à un quart de lieue dans une autre cueva si le temps était à l’orage.
L’office de ces gens est de veiller à ce qu’on ne vienne pas clandestinement
chercher de la neige, cette exploitation est un privilège de la ville
de Grenade dans toute l’étendue de la Sierra Nevada; même sur le ver