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pente rapide qui forme le point culminant de toute la montagne, on lé
nomme las Plazolelas, et son altitude est de 6000 pieds. J’y montai et y
trouvai encore les de'bris d’une foule de plantes dont quelques-unes étaient
nouvelles pour moi, et m’ont été envoyées depuis par mes deux compagnons.
La vue s’étend sur toute la Yega de Malaga et tout le littoral depuis les montagnes
d’Afrique et Gibraltar, jusqu’au Picacho et au Cerro del Caballo qu’on
distingue encore dans le lointain. Le plateau et la ville de Ronda, quoique
très-rapprochés, sont cachés par la chaîne calcaire qui règne au sud-est de
cette ville et derrière laquelle s’élève le pic de St Cristoval, en revanche nous
ne perdions aucun des détails de la vallée d’Igualeja. Le côté du panorama
qui était le plus nouveau pour moi, était celui du nord où s’étendaient les
Sierras pelées d’Antequera et de Loxa, et au-delà, les immenses plaines stériles
d’Osuna et d’Estepa, avec plusieurs lacs salés qui brillaient au soleil.
Nous redescendîmes sur le village de Tolox par un sentier raboteux et le long
duquel on quitte très-vite la région boisée. A une hauteur de 4° ° ° pieds environ,
nous arrivâmes au Tajo de la Caina, paroi de rochers très-élevée, à
escarpements tournés au sud et vers laquelle, d’après quelques indications
données autrefois par Clemente à M. Hænseler, j ’espérais trouver quelques
plantes rares. Il est assez difficile d’aborder le pied de ces rochers, et on n’y
parvient qu’en suivant un sentier très-étroit; mais nous fumes ravis en y
découvrant une magnifique Centaurée à tronc aussi gros que le bras et à feuilles
argentées de la forme de celles de la Centaurea Ragusina et beaucoup plus
grandes; les fleurs étaient malheureusement passées depuis longtemps, mais
grâces encore à mes deux amis qui y retournèrent l’année suivante, j ’en
possède de jeunes pieds vivants et les collections d’orangerie s’enrichiront
d’une plante qui deviendra un de leurs plus beaux ornements. Le Rhamnus
lycioides} la Stachys circinnata, le Jasminum fruticans, le Buplevrum Gibral-
taricum ornaient les parois inaccessibles du roc. A partir de là recommençaient
les vignobles qui couvrent le reste de la pente. Fatigues et altérés de
soif, nous eûmes le bonheur de rencontrer un homme qui, le fusil sur
l ’épaule, veillait à la sûreté des raisins et qui alla nous chercher une provision
des plus belles grappes sans vouloir accepter aucune rétribution. Toloz
où nous passâmes la nuit est situé beaucoup plus bas que Yunquera , à
deux lieues au midi de ce dernier village sur un autre affiuent de Rio-
Grande.
Le jour suivant, qui était celui de notre retour à Malaga, nous descendîmes
au travers d’olivètes très-étendus, jusque sur les bords de ruisseaux
descendus des environs de Monda, et où je recueillis les Cyperus globosus
et turfosus. Toute cette contrée est pittoresque, fertile et doit être charmante
au printemps. Dans des terrains argileux et aussi du s que la pierre;
je trouvai déjà épanouies les fleurs du Colchicum Lusitanum, grandes, roses,
rayées de stries croisées et pâles à la manière des Fritiflaires et au nombre
de deux ou trois sur la même hampe; il difficile de comprendre comment
des boutons aussi tendres parviennent à percer un sol si seé et si tenace
que je pouvais difficilement entamer dé ma pioche.
Nous avions laissé sur la droite et assez haut sur les collines les villages de
Coin et d’Alhaurin, et nous vînmes passer le gros du jour à Cartama.
La route que nous venions de faire et surtout celle qui nous restait pour
atteindre Malaga, n’était pas sans danger dans ce moment ; une bande
d’une vingtaine de bandits à cheval parcourait, nous dit-on, la Vega, sous
le commandement de deux frères, boulangers à Alhaurinejo, et surnommés
los Naranjos. Ces gens-là, à la suite de mauvaises affaires, avaient commencé
par soustraire au moyen de lettres anonymes et menaçantes, d’assez fortes
sommes à de riches particuliers, puis, poursuivis par la justice, ils avaient
jeté tout-à-fait le masque, et venaient depuis quelques jours de se mettre en
campagne pour dévaliser les passants. Aussitôt grande rumeur à Malaga, la
garde nationale avait fourni des détachements de voluntarios, et on avait battu
la Vega dans tous les sens, bien inutilement du reste, caron prétendait avoir vu
un des Naranjos dans les rues de Malaga, le jour même ou on le cherchait
avec tant de soin dans la campagne. La veille quelques-uns de ces bandits
étaient venus à Cartama en plein jour et étaient descendus à la posada
où nous éticfris, sans que personne dans le village osât ou voulût les arrêter.
Comme j ’en témoignais mon étonnement à l’hôtelier, Prolongo me
poussa du coude pour me faire taire et me dit tout bas, qu’avec sa figure obséquieuse
ce vieux pécheur avait été ladron dans son temps et passait même
pour être encore un affidé de ces messieurs. Nous n’allongeâmes pas trop
notre séjour clans cet endroit et continuâmes notre route l’oeil au guet cl
non sans quelque appréhension, , mais soit que les Naranjos fussent occupés
ailleurs, soit que notre capture leur parût tropspeu importante/ nous ne
les vîmes point et arrivâmes tains et saufs à Malaga. Quelques jours après,
traqués de près dans un pays qui est trop peuplé pour que dës bandes
armées puissent s’y maintenir bien longtemps, ils passèrent les montagnes, et
prenant une couleur politique comme c?ëst toujours la coutume des bandits
espagnols, allèrent së réunir aux partis carlistes qui parcouraient la Manche.