clarer à la douane, ne doutant pas que les lettres dont j ’étais muni pour les
principales autorités de la ville ne dussent aplanir toute difficulté ; mais j ’avais
affaire à une troupe de commis charmés de vexer un étranger, et à un vieux
coquin d administrcidor qui, n’entrevoyant aucun profit dans l’affaire, se
retrancha dans sa probité et dans sa responsabilité. Tout fut inutile, même
la recommandation tres-pressante du gejè politico ; de sorte qu’après avoir
. fait force visites, force déclarations, et barbouillé je ne sais combien de
feuilles de papier timbre, il fallut làisser l’objet en litige dans les magasins,
en attendant que j ’eusse écrit à Madrid, d’où j ’obtins enfin la permission
cinq mois après l’avoir demandée, au moment dè quitter l’Espagne ! — Je
pus me servir heureusement du papier commun du pays; il est de bonne
qualité, mais si petit qu’il faut le déplier pour y placer les échantillons.
Avide comme je l’étais de recueillir tous les renseignements et de voir tous
les hommes qui pouvaient m’aider dans mes recherches, ce fut une bonne fortune
pour moi que de faire la connaissance de don Félix Hænseloer. Cet excellent
homme, né en Allemagne, mais établi en Espagne depuis sa jeunesse,
avait, par un goût naturel très-vif, et quoique privé de tout secours étranger,
poussé assez loin son éducation scientifique. Outre les connaissances relatives à
la pharmacie sa profession, il s’était beaucoup occupé d’ichtyologie et surtout de
botanique, et avait longtemps entretenu des relations avec Lagasca à Madrid,
le chanoine Cabrera à Cadix, Schousboë à Tanger, et avec Mertens et
Agardh en Allemagne. On lui doit la connaissance d’un certain nombre de
plantes, publiées, soit par correspondance, soit dans quelques brochures telles
que son Ensayo para la analisis de las aguas minérales de Carratraca,
M. Hænseloer avait depuis quelques années négligé son étude favorite, mais la
présence d’un botaniste lui redonna une nouvelle ardeur, et je ne puis lui
témoigner assez de reconnaissance pour les indications et les directions que sa
parfaite connaissance du pays lui permettait de me donner, et pour le zèle
avec lequel il s’est employé à me réunir des matériaux qui pussent rendre
mon travail plus complet. Un herbier, qu’il avait formé autrefois, m’a été de
la plus grande utilité, et c’est d’après cette ^collection que je cite, dans la
seconde partie, bon nombre d’espèces des environs de Malaga que je n’ai
pas trouvées moi-même.
Que je dise encore tout ce que je dois à l’amitié d’un autre habitant de
Malaga, don Pablo Prolongo, botaniste aussi, jeune homme plein d’avenir et
d’intelligence, qui voulut bien s’associer de coeur à mes recherches et m’a
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puissamment aidé par ses communications, soit pendant mon voyage, soit
depuis mon retour.
Tantôt seul, tantôt accompagné de ces deux amis, j ’employai la première
quinzaine de mai à faire de petites ' excursions dans les environs. Toute la
contrée est à cette époque un vaste jardin. Il n’y a pas, jusqu’aux arroyos,
torrents desséchés qu’on rencontre à chaque pas sur cette cote, dont le lit aride
ne soit orné de?> touffes argentées des Paronychia argentea et nivea, melees à
VAstragalus hypoglottis, à la Leobordea, à YAndryala Ragusina, à la Scro-
phularia canina, à l’élégante Cleome violacea aux fleurs violettes. Les champs
et terrains cultivés ont une végétation bien plus variée. Là, au milieu d’une
foule de Fumaria, de Medicago, de Scorpiurus, etc., croissent la Gari-
della nigellastrum, la Salvia viridis, l’Amberboa muricata,\z Picridium
Tingitanum et plusieurs plantes qui, chez nous font l’ornement des parterres,
telles que l’Anthémis arabica et le Chrysanthemum coronanum. Le bord
des ruisseaux et les endroits humides sont occupés par d’autres espèces comme
Einum angustifolium, Cyperusjunciformis, Sïlene muscipula, L/yihruru
Greffèri et ce Samolus valerandi, qu’on retrouve dans presque toutes les
régions du globe.
Tout près de la ville, au bord de la mer, est une grande plaine inculte qui
s’étend sur une lieue de longueur jusqu’à l’embouchure du Guadalhorce,* on
l’appelle la Dehesilla. J’y recueillis, dans les sables mouvants, quelques jolies
espèces, telles qxYErodium hirtum, Linaria pedunculata, Lotus aurantia-
~cus, Plantago albicans, Delphinium peregrinum. VOnonis ramosissima y
était extrêmement répandue, nourrissant ça et là sur ses racines, la magnifique
Orobanche foetida. Une jolie graminée fort commune aussi, la Festucà
alopecuros était utilisée comme céréale par de nombreuses familles de
fourmis qui en amassent les graines au fond de leurs trous creusés dans le sable,
en laissant en dehors la balle qui les enveloppe.
Parmi tous ces végétaux qui peuplent la partie basse et cultivée du pays, les
plus caractéristiques, ceux qui, parleur grandeur et leur abondance, donnent
une physionomie particulière à la contrée sont : Y Agave americana, le Figuier
d’Inde, le Ricin, YArundo Donax\ deux labiées, le Phlomis pur-
purea et la Ballota hirsuta; enfin un chardon gigantesque à fleurs jaunes et à
tiges vivaces hautes de cinq à dix pieds, le Kentrophyllum arborescens. ï)n
trouve ces plantes partout, dans les lieux incultes, parmi les haies et au bord
des chemins.
La végétation des collines présente d’autres caractères encore. A quelques