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servé de» ses anciennes, splendeurs que sa position magnifique et ses beaux
ombrages. Les jardins sont dispose's en terrasses et trop méthodiquement
plantés pour être pittoresques. Dans Celui qui est attenant à l’habitation,
cinq ou six cyprès énormes croissent au pied d’un mur, celui du milieu, ■
le plus gigantesque et dont l ’âge a fait déjà sécher les branches supérieures,
se nomme.el cipreso de la Reyna sultana, il fut, dit-on, témoin des
rendez-vous de la reine Zoraïde avec Aben-Hamel l’Abencerrage, aventure
qui paraît aussi controuvée que le massacre des membres de cette famille.
Le palais est peu considérable et très-simple, une seule de ses salleç conserve
encore le„s ornements particuliers à l’architecture arabe, mais ce qui
est au-dessus de toute description, c’est la vue dont on jouit de ses fenêtres.
C est de la que, plongés dans les délices du far niente, les souverains
de Grenade laissaient mollement égarer | leurs regards sur. l’Alhambra
sur celte ravissante Vega qui se déploie là tout entière, sur ces montagnes
de formes si variées qui ferment l’horizon. Je me rappellerai toute ma vie
une soirée que j ’y passai, la campagne était embrasée par un soleil couchant
qui faisait étinceler les rivières qui la traversent, partout des feux
s’allumaient dans leg champs pour consumer les restes du chaume après
la moisson, et les milte~ibruits de la ville montant jusqu’à moi contrastaient
avec là paix et la solitude dë: cette retraite.
Grenade renferme encore d’autres monuments moins importants de la
domination maure. Tel est le quarto real ou appartement royal, vaste
salon situé au milieu d’un jardin de lauriers et de figuiers, il contient
me dit-on, de beaux ornements en stuc,- mais je ne pus en obtenir l’entrée,
il avait été jusqu’alors la propriété d’un couvent qu’on venait de
séculariser et dont les ciels étaient entre les mains .-d’un administrateur
absent. Grenade renfermait plus de ces coüyents qu’aucune autre ville
d’Espagne, parce que la victoire remportée sur l’islamisme y avait exalté
le fanatisme religieux. On était occupé, à l’époque de mon voyage, à démolir
presque toutes ces antiques demeures, sur l’emplacement desquelles
on créait des places publiques ou des fa is o n s particulières. Plusieurs parmi
elles se recommandaient cependant par des souvenirs, tel était, entre
autres, le couvent de los Martires, vaste édifice dominant tout Grenade et
qui était en quelque sorte indispensable à la physionomie de cette cité.
Il avait été construit en mémoire de la remise des clefs, de l’Alhambra
aux Espagnols, et on m’y montra la place où cet acte mémorable s’était
accompli. L Etat venait de le faire vendre à un prix modique sous la con-
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dilrisn de le démolir aussitôt, par crainte peut-être de quelque avenir politique
qui eut permis plus- tard aux moines de reprendre possession de
leur demeure. La vente» de ces biens de couvents ne paraît pas avoir été
dans ces dernières années, une grande ressource pour le gouvernement :
leur valeur avait été fort dépréciée par suite de la misère générale du
pays, les chaijpes de la guerre avaient effrayé les-acheteurs', et une bonne
partie des produits s’est d’ailleurs: égarée, me dit-on; entre les mains des
agents chargés, de les réaliser; on - eut mieux fait d’attendre pour cette
opération un moment plus tranquille.
Une charmante promenade des environs de Grenade est celle qui conduit
au Monte Sacro. On suit l’étroit vallon du Darro entre deux rangées
de collines; celles-de droite sont couronnées par l’Alhambra, le
Généralife et ses jardins; , celles de|gauche, formées d’une terre argileuse
et tenace, sont percées de nombreuses excavations fermées chacune par une
porte et semées irrégulièrement sur la pente. C’est là que vivent, à la façon
des anciens Troglodytes, de nombreuses familles de gitanos-et d’habitants
pauvres de la ville ; toutes ces demeures sont environnées de figuiers
d’Inde qui "ajoutent au caractère d’étrangeté- de; ce site. Cette plante, très-
abondante sur le littoral, n’existait point autrefois à Grenade ; ce n’est que
depuis peu d’années qu’un spéculateur imagina d’acheter de. grands terrains
incultes et de les utiliser en y plantant- le cactus qui y réussit très-
bien, et- dont le fruit est une partie importante , de la nourriture des
classes inférieures pendant l’été. Le Monte Sacro est un immense édifice
habité par un chapitre de chanoines ; il fut élevé en mémoire de la
prétendue découverte de reliques des premiers disciples de saint Jacques.
On montre encoae transformés en chapelles les fours où ils furent brûlés.
En revenant par les::,; collines de . droite qui sont coupées par de nombreux
ravins, et couvertes de Jasonia tjlulinosa, de Teucrhvm capitatum et
d'autres «plantps odoriférantes:, j ’arrivai à la partie la plus haute du quartier
de l’Albaycin, près .de la Torre del Aceytuno. Je recommande, cette
vue aux touristes commë l’une des plus belles et -des plus étendues des
environs. On découvre de là le Mulahacen et toute celte partie orientale
de la Sierra Nevada, qui est invisible de tout autre point de Grenade.
Le quartier de-l’Albay.cin conserve-encore, en fait d’antiquités arabes, une
bonne partie de son enceinte et plusieurs portes; les maisons y sont
agréablement cntourées dc jardins et de terrasses. J’y visitai avec: intérêt
une des grandes citernes; où, se conserve et se. rafraîchit l’eau du Darro.
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