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dignes de foi m’ont assure' que des Marocains venaient quelquefois en
Espagne pour les recueillir, après s’ètre débarrassés de leurs vêlements orientaux
qui les eussent exposés à des désagréments et peut-être à des dangers.
Bien des plantes de la Sierra passent, parmi les bergers, pour y avoir
été introduites par les Arabes, quoiqu’elles soient très-évidemment de tout
temps originaires des localités où on les trouve. Tel est YHyssopus offci-
nàlis, le Cerasùs avium. qu’on rencontre fréquemment dans les hautes vallées;
tels sont encore YAllium schoenoprasum, commun dans les prés humides
diiJBorreguil de Dylar, et le Seëale montanum, connus sous le nom d’Àjo mo-
risco et de Centeho morisco, ail et seigle moresques.
M trouvai pour l’altitude du Prado de là Yegua 65oo pieds. Je fus très-surpris
de rencontrer, 5oo pieds plus bas, seulement à mi-chemin du Corlijo, un
véritable bois du Cistus laurifolius, grand arbrisséau à fleurs blanches d’un
port analogue à celui dû Cistus ladaniférus ; sa station dans une région
couverte de neige pendant cinq mois de l’année,, prouve qu’on pourrait
l’acclimater dans, l’Europe moyenne où il serait un des ornements de nos
bosquets*
Le 12 juillet, je partis avec mes deux domestiques et un mulet chargé de
provisions pour effectuèFenfin l’ascenscion du Picacho. En montant les pentes
au-dessus du halo, j ’arrivai au Penon de San Francisco, grand rocher schisteux
qui s’élève de la côte du contrefort qui sépare les vallées du Xenil et du
Monachil et qui, par sa position isolée, sert de point de mire dans cés montagnes*
Nous étions là dans la région du Piorno ou Genista aspulathdides
dont les buissons, sont épars dans les pâturages arides formés de graminées
à feuilles dïfres et coriaces, Festuca Granatensis et düriuscula, Agrostis
Nevadensis et Àira flexuosa. Cette végétation monotone est variée par les
corymbes jaunes du Senecio Durioei, par YEryngiurri' Bourgati et les tapis
argentés que forme le Senecio Boissieri. Le Cerastium ramosissimum et la
Spergula viscosa couvrent les places un peu sablonneuses. Bientôt j ’atteignis
au Borreguil le terme de mon excursion précédente. Cette zone des Bor-
reguils, occupée par de petits vallons verdoyants avec des bandes de rochers,
de petits lacs et mille petits ruisseaux,' est une des plus pittoresques de la
Sierra, et celle qui rappelle le mieux les paysages alpins. C’est le seul endroit
du midi de l’Espagne où j ’aie vu de vraies «pelouses ; elles sont composées
surtout de Nardus stricta et dû Agrostis Nevadensis et émaillées de
fleurs alpines y entre autres les Renoncules blanches dont j ’ai déjà parlé, la
Yjola palustris et la Campanula Herminii. Au bord des ruisseaux ôn y
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observe Veronica mpens, Epilobium origanifolium et Saxifraga stellaris. A
partir de là, il faut monter encore un millier de pieds pour gagner le col
de Veleta, et près du double pour arriver au pic du même nom. Cette
partie de l’ascension est pénible, ce sont des éboulements schisteux incohérents,
parsemés d’énormes blocs de la même roche, souvent entassés les uns
sur les autres; partout on voit là les «traces de quelque violent bouleversement,
car les arêtes vives de ces pierres montrent assez que cette dévastation
n’est pas due à là décomposition du rpcher. L’extrême mobilité de ce sol
schisteux ne permet qu’à un petit nombre de plantes d’y végéter. On y trouve
1 e.Brassica montana, Ptilotrichum purpureum qui est là dans sa véritable patrie
et dont le rhizome noir atteint souvent une longueur considérable, parce
qu’il doit pousser en avant pour se dégager du sable qui vient sans cesse le
recouvrir; la Viola Nevadensis, jolie pensée aux fleurs tantôt blanches, tantôt
rougeâtres et tantôt violettes. Ça et là se montraient les touffes roides de
la Festuca Clementei, YAvena glacialis et d’une variété remarquable de la
Dactylis glomerata. La Luzula spicata, YAretia vitaliana venaient aussi représenter
les Alpes, et sous les rochers tournés au nord s’abritait le Saxifraga
mixta aux fleurs blanches ou lavées de rose. L ’Ar terni sia Granatensis était là
dans sa région, mais à peine fleurie, tandis qu’une' charmante composée, YE-
rigeron glaciale avait déjà épanoui ses fleurs violettes qui ressemblent à celles
de Y Aster alpinus. J’arrivai enfin sur la cime, très-petit terre-plein bordé au
nord, àjgest et au sud-est par des rochrers à pic et encombré, comme les pentes,5
de gfçis blocs de schiste. Mes compagnons, moins habitués,aux montagnes et
ressentant à la fois les effets de la fatigue et ceux de la rareté de l’air, s’étendirent
à tërre pour dormir pendant que j ’étudiais l’admirable panorama
déployé devant moi.
Ce qui frappe d’abord les regards lorsqu’on arrive sur la Yeleta et qu’on
s’est approché avec précaution de son bord septentrional, c’est un cirque de
près de 2000 pieds de profondeur qui s’ouvre au nord-est, ses parois sont
presque partout coupées à pic, et âu fond ôn aperçoit un petit glacier très-
incline : c est la ce qu’on nomme le Corral de Veleta. Le ruisseau d’eau
bourbeuse qui s’échappe du glacier est considéré comme la source du X en il,
il s écoulé par un vallon à pente très-rapide et qui court dans une direction
nord. En face et au nord-est du Picacho, s’élève le massif imposant du Mu-
lahacen, et un peu plus loin à gauche celui de YAlcazaba ou Cerro del Puerto.
Le Mulahacen n’est pas éloigné de plus d’une lieue en ligne droite du Picacho;
il se rattache à lui par des .crêtés schisteuses plus basses de quelques' centaines