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Phlomis lierbaventi et demandes touffes de câpriers-sauvages. Les parties incultes
et buissonneuses présentaient la même végétation que les plamesfcntre
Alhâma et la Tejeda; j ’y observai en outre le Romarin, Yülex australis, le Ge-
nista biflora, la Sideritis hirsuta et le Cytiara allia pas encore fleuri, la Stipa
pubescens très-abondante laissait onduler au gré dès zéphirs ses barbes semblables
à des cheveux et qui atteignent ufi pied de longueur. Pas très-loin d’Al-
hama, on retrouve d’assez longues portions d’un chemin pave qui date de
l’époque arabe ; plus loin, dans le ravin formé par le rio Cacin, quelques fermes
entourées de jardins et de peupliers noirs, reposent pour quelques instants les
yeux de l ’aspect stérile et désert de la route. Les gens-de ce hameau ont mauvaise
réputation, et les vols passent pour fréquents dans les environs. Lés collines
dp l’autre côté de la rivière appartiennent à une formation très-fréquente
dans la partie orientale du royaume de Grenade et surtout dans les Câstilles;
ce sont des dépôts blanchâtres, marneux et gypseux, imprégnés de sel marin’
et sur lesquels croissent des plantes toutes spéciales. Le bord du sentier était
couvert de touffes de Pegamm harmala, épanouissant ses fleurs blanches ; près
de là croissaient le Lepidium subulatum, la Frankenia thymifolia, Junciis acutus,
A triplex rosea et. Statice ylobularioefolia, et dans la partie supérieure dès collines
deux arbustes élêgaritiTTOnoros crassifolia aux fleurs r ie s ; et VHelianthe-
mum squammatum aux feuilles argentées et aux nombreuses fleurs jaunes disposées
en grappes serrées sur deux rangs. Presque toûtes ces espèces ont ièsfeuilles
charnues et cassantes, indice caractéristique des terrains salés ; elles croissaient
avec une extrême abondance. Du reste ces terrains sont frappés de stérilité et
les champs en petit nombre, qu’on y a établis, produisent peu de chose j l’eau
douce y manque presque totalement. Aux Venlas de Guelma, misérable village
où nous fîmes notre etape, il fallait aller la chercher à des puits éloignés d’une
demi-heure et le posadero ne nous la livrait qu’avec une singulière parci-
monîe.
Des Y entas Se.Guelma à la Mala, nous parcourûmes pendant deux mortelles
heures une plaine circonscrite par des collines basses et occupée par des champs
stériles et des. jachères. L’ennui de ce trajet était augmenté par une chaleur
telle que je n’en avais jamais éprouvée encore, il n’y avait pas le moindre souffle
de vent, le soleil dardait ses rayons aplomb sur nous, l ’air était d’une pesanteur
.extrême et-un orage se formait à l’horizon. Arrivés à la Mala et presque
suffoqués, nous dûmes descendre de cheval et nous étendréquelques moments
pour dormir sur des bancs de pierre, nous n’avions pas même la ressource d’une
eau pure pour nous rafraîchir; elle est là saumâtre-et d’un goût détestable. Ce
misérable village est situé au milieu d’une nouvelle formation gypseuse, si imprégnée
de çel qu’on en recueille les eaux dans de grands bassins et qu’on en
extrait, par évaporation, une grande quantité de cette substance. Pendantque
nous, gravissions les collines assez elevees au-delà de la Mala, quelques gouttes
depluie tombèrent et le temps se rafraîchit un peu. Arrivé au sommet, un spectacle
vraiment magique m’attendait, la Vegit de Grenade était à mes pieds,
fraîche, verdoyante, offrant le plus saisissant contraste avec le pays que je venais
de traverser, puis plus loin l ’antique cité moresque, mollement assise sur ses
collines, étalait ses maisons blanches, ses tours? ses palais entremêlés d’arbres
et de jardins. Un demi-cercle de montagnes’calcaires, bizarrement decoùpées,
aux cimes aigues, fermait l ’horizon ; leur âpreté, la teinte chaude de leurs flancs
embrases par le soleil, faisaient mieux ressortir les croupes majestueuses de la
Sierra Nevada, rembruniespar l’orage qui venait de nous effleurer, tandis que
ses sommités aux lignes harmonieuses brillaient par places du pur éclat d’une
neige éternelle. Ce paysage déjà sublime.par lui-même, j ’avais le bonheur de
le prendre sur le fait sous un aspect qui faisait si bien valoir toutes ses beautés*
tout se réunissait pour ex«ter l’enthousiasme du voyageur, l’arrivée aif> but
si longtemps désiré, la grandeur de cette nature, la puissance des souvenirs
qui planaient sur cette terre sacrée. Je fus bientôt arrivé au bas des collines
à Gavia la Chica, endroit célèbre dans les guerres de.-Grenade, où commençait
la Tega, et les deux heures que j’avais à parcourir encore me parurent
bien courtes dans cette plaine si fertile-,ët si bien arrosée. Là prospéraient à
1 envi les cereales et mille autres cultures, le chanvre atteignait une hauteur
prodigieuse, des mûriers et des arbres de toute espèce encadraient et ornaient
chaque propriété; nous traversâmes de nombreux villages et arrivâmes enfin
à une promenade élégamment disposée tout près de la ville. Nous traversâmes
le lit du Xenil mis complètement à sec par les irrigations, et allions dépasser
les portes lorsque l ’octroi nous arrêta. Un octroi à Grenade, quelle profanation!
Cela n’était que trop vrai pourtant, et impatient comme je l’étais de
contempler ce soir même encore le,palais de Boabdil, la tète pleine de Zégris
et d’Abencerrage?“ il fallut aller à la Douane et assister à une longue et minutieuse
visite de mes bagages. Des octrois pareils existent en Espagne à la porte
de toutes les grandes villes et font renaître ainsi à chaque pas dans ce pays
des désagréments auxquels on n’est exposé ailleurs qu’à la frontière; ils ne sont
pas comme ailleurs municipaux, mais leur produit rentre en grande partie dans
les coffres de 1 Etat comme droit dé consommation. Je pus enfin me rendre à
la Fonda del compierciô situee sur la place du théâtre dans une des plus riantes