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dépérissent, et le laissent parvenir à son entier développement
à l’aide des seuls sucs nourriciers, qu’ils cessent à leur
tour de lui fournir, dès qu’il a atteint sa maturité.
C’est dans cet organe, conservateur de l’espèce , que la
Nature déploie ses plus fécondes ressources : ce n est point
assez pour elle d’avoir multiplié les fleurs sur la plupart des
individus, elle a encore donné plusieurs semences à un grand
nombre de fleurs; il en est même à l’égard desquelles ses
profusions en ce genre ne commissent plus de mesures : on
ne sait quelquefois ce qu’on doit le plus admirer, ou de la
quantité innombrable , ou de l’extrême finesse de ces corpuscules
, qui ne sont eux-mêmes que des enveloppes grossières
par rapport aux germes qu’ils recèlent (i). Ce terme , qui
étonne déjà notre imagination , n’est cependant pas encore le
dernier effort de la Nature : l’expérience prouve qu’une seule
graine est comme le réservoir commun d un grand nombre
de jets , que des circonstances favorables peuvent faire éclorre
et développer (2) : en un mot , la multitude des semences
qui se dispersent de toutes parts après la maturation est si
prodigieuse que , par le calcul qui en a été fait, le produit
complet d’un terrein de quelques lieues de contour, pour-
roit suffire, au bout de quelques années, pour peupler de végétaux
la surface entière du globe.
Mais la Nature , qui ne semble fuir l’indigence et la disette
qu’en se portant vers l’excès de l’abondance , se trouve,
pour ainsi dire, arrêtée sur sa route par divers obstacles, qui
resserrent dans de justes bornes l’emploi de ses facultés. La
plupart des semences avortent et demeurent stériles, par les
accidens qu’elles essuient dans leur dispersion , par 1 intempérie
de l’air, et plus encore par le défaut de préparation
dans-le sol même : par-là l’immensité des ressources se tourne
en précaution contre les dangers, et la terre , sans cesser
d’être prodigue, nous montre jusque dans les présens qu’elle
( i) Un seul pied du zea ou maïs, a donné jusqu’à deux mille graines;
de l’inula, trois mille; de T he/ianlhus, quatre mille; du papayer, trente-
deux mille; du t\pha, quarante mille ; et du nicotiana, trois ceut soixante
mille, au rapport de Rai.
(2) Pline rapporte que l’on envoya à Néron trois cent quarante tiges
provenues d’ un seul grain de blé. Jlisl. I)rat, lit', x v m . chap, 10.
nous refuse , des traits marqués de la sagesse infinie qui préside
à sa fécondité.
1 Mais d ailleurs, quel parti ne tire pas le cultivateur laborieux
, de cette tendance presque sans bornes de la Nature
vers la reproduction ! Sollicitée par des mains-.assidues, dégagée
des obstacles qui captivoient ses puissances , hourrie par
des engrais salutaires, elle recouvre une grande partie de ses
droits : elle nous restitue avec usure les semences que nous
lui avons confiées avec économie ; elle nous dédommage d’un
léger sacrifice , pris sur ses libéralités, par ces moissons abondantes
qui nous rendent le fer qui leur a préparé la voie,
mille fois plus précieux que l’or dont on les paie , et qui ,
d’un simple gramen rejeté dans nos spéculations vers la limite
du règne végétal, font à notre égard la plus parfaite et
la première de toutés les plantes.
i5i.Le mot Aefruit (fructus) se prend dans trois acceptions
diverses ; vulgairement on le réserve aux fruits charnus qui servent
à notre nourriture; et c’est dans ce sens que les arbres
qui les produisent sont nommés arbres fruitiers. Dans un sens
plus général, on désigne par le nom de fruit tout ovaire fécondé
qui porte des graines; par exemple , une cerise : dans
un sens plus général encore , on donne ce nom à l’ensemble des
ovaires fécondés portés sur un même pédoncule; par exemple ,
un cône , une figue.
En Botanique, on désigne par le mot de fruit un ovaire fécondé,
et on distingue :
Le fruit simple (simplex), ou qui n’est composé que d’un
seul ovaire; par exemple, la cerise (pl. jo ,f. 16).
Le fruit multiple ( multiplex ), ou qui est composé de plusieurs
ovaires, lesquels appartenoient originairement à une seule
fleur; par exemple, la framboise (pl. 2, f. 5).
Le fruit composé ou aggrégê (compositus, aggregafus),
c’e st-à-d ire, former par la réunion ou le rapprochement
de plusieurs ovaires qui proviennent originairement de fleurs
différentes; par exemple, le fruit du mûrier ( pl. 10, f. 21
22, 25).
i5a. Un fruit est essentiellement composé de deux parties
.i°. La graine ou semence (semen) (pl. i0, f. 10), qui est destinée
Tome I .