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pendant cette route il se combine avec les parties qui se développent.
Au reste, comme le nom de suc propre a été donné
à des liquides fort hétérogènes quant à leur nature, leur position
et leur cours , et avant qu’on eût pensé à distinguer les secrétions
d’avec le fluide nourricier, je n’oserois affirmer que
tous ces sucs colorés appartiennent à la même classe.
2a5. Maintenant nous pouvons essayer de déterminer le rôle
que joue dans la nutrition chacune dfes substances introduites
par la sève dans les végétaux. Observons d’abord que la sève
contient une très-petite quantité de matière étrangère à l’eau.
M. Yauquelin n’en trouve que -~ô dans la sève d’orme, et ce
centième lui-même contient près de de carbonate de diaux :
il calcule que si celte matière étrangère est seule nutritive, et
en négligeant ce que les végétaux tirent de l’air, il faudroit,
pour qu’un charme augmentât de 5 myriagrammes , qu’il passât
dans ses vaisseaux 2,800 myriagrammes de sève. Cette quantité
paroît immense, et l’on est bien tenté de penser que l’eau
elle-même concourt à la nutrition. Ce soupçon se confirme par
l’observation de M. Senebier , que la quantité d’eau exhalée par
la transpiration est toujours inférieure à l’eau pompée. Il se
confirme sur-tout par les expériences de M. Théodore de Saussure
j ce physicien a fait végéter des plantes dans de l’eau distillée
en vase clos, et dans de l’air dépouillé de gaz acide carbonique.
Après quelque temps , il a vu que ces plantes , réduites
à un état de siccité déterminé , avoient augmenté en
poids d’une quantité qui dépassé toujours celle de l’air absorbé;
que conséquemment une partie de l’eau s’incorpore à leur propre
substance, de manière que la dessication ne peut l’enlever;
il a vu que si on fait croître la plante dans une atmosphère qui
contient du gaz acide carbonique , elle augmente d’un poids
beaucoup supérieur à la quantité d’acide carbonique décomposé
, c’est-à-dire, que si la plante peut absorber du carbone,
elle fixe en même temps dans son tissu une plus grande quantité
d’eau ; il est parvenu à prouver cette fixation de l’eau dans
les végétaux par une autre voie: il estime, par plusieurs expériences
, la quantité de matière soluble qui se trouve dans le
terreau le plus fertile, la quotité de cette matière soluble absorbée
par un hélianthe dans un temps déterminé; il ajoute à
cette quantité celle de l’oxigène et du carbone déposé par l’atmosphère
§ur les feuilles de la plante, et ü trouve que toutes
ces quantités réunies ne font que la 20e. partie du poids que
l’hélianlhe a acquis pendant ce temps, et qu’il ne peut perdre
par la dessication la plus complette. Quoique ce calcul ne puisse
pas être très-rigoureux , on voit que lors même qu’on se seroit
trompé du tiers ou du triple pour chacun de ces élémens , la
conclusion seroit toujours la même , c’est-à-dire, qu’il faut nécessairement
admettre qu’une partie de l’eau qui compose la
sève est fixée dans le tissu du végétal, et forme même probablement
une partie considérable de son poids. En effet, sans
cette fixation de l’eau dans la substance solide des végétaux,
comment concevoir et la quantité d’hydrogène qui se retrouve
dans tous leurs produits , et la quantité d’eau qui se dégage
dans la combustion des végétaux , et qu’on ne peut regarder
comme formée par l’opération, jusqu’à ce que du moins on en
ait des preuves directes?
224. Maintenant la grande question de la décomposition de
l’eau dans les végétaux, se réduit à celte autre, bien moins importante.
L’eau qui entre dans la partie solide des végétaux
est-elle décomposée au moment de sa fixation , de sorte que
l’un de ses élémens soit fixé dans le tissu, tandis que l’autre
seroit éliminé sous forme de gaz? ou bien est-elle fixée à l’état
d’eau, et d’une manière analogue à l’eau de cristallisation
des minéraux? et n’est-ce que par la suite des phénomènes chimiques
qui se passent dans le tissu végétal, que les élémens
d’une partie de cette eau sont séparés et entrent dans des-eom-
binaisons nouvelles? ou bien enfin Ces deux effets n’ont-ils pas
lieu dans différentes circonstances ou dans différens végétaux ?
225. On a cru que le gaz oxigène dégagé par les plantes qui
végètent sous l’eau au soleil, étoit dû à la décomposition de
l’eau ; mais on a reconnu que cet oxigène ne se dégage point
sous l’eau distillée, sous l’eau bouillie, sous l’eau chargée de
gaz azote ou de gaz hydrogène ; que ce dégagement n’a lieu
que dans le cas où la plante trouve de l’acide carbonique à
décomposer; que s’il est un petit nombre de plantes , telles que
les plantes grasses, qui émettent du gaz oxigène dans l’eau distillée
ou dans le gaz azote , c’est que ces plantes forment de
l’acide carbonique aux dépens de leur propre substance , et le
décomposent ensuite elles-mêmes. On ne peut donc point conclure
de ce phénomène à la décomposition directe de l’eau. Un
petit nombre de faits restent encore pour étayer cette opinion ;