252. Cependant l’organisation des végétaux est si variée,
que la chaleur agit très-diversement sur eux ; il en est qui
peuvent résister à des degrés considérables de chaleur. Ainsi, le
vitex agnus cas tus a été trouve par M. Sonnerat, tout auprès
d’une source, à 62 degrés, et par M. Forster , au pied d’un
volcan , où le sol étoit à 80 degrés; M. Ramond a vu la verveine
officinale croître à Bagnères , sur le bord d’un ruisseau ,
dont l’eau est à 5i degrés; et M. Adanson assure que certaines
plantes restent vertes dans les sables du Sénégal, qui ont
quelquefois jusqu’à 61 degres de chaleur. Il en est d autres ,
au contraire , qui résistent à de grands degrés de froid.
Ainsi, les chênes ont résisté, en Daneiparck, à un froid de
25 degrés , et les bouleaux , en Laponie , à 52 degrés. M. Sene-
bier a vu des fleurs de fève supporter , à la fin de 1 automne,
un froid de 5 degrés. Le noisetier fleurit quelquefois , selon
L’héritier, à 6 degrés. Le perce-neige en fleur peut être recouvert
d’une épaisse couche de glace sans en paroîlre altéré.
Pour expliquer ces différens faits , on s’est demandé si les végétaux
n’auroient point, comme les animaux, la faculté de développer
un certain degré de chaleur qui leur permellroit de résister
au froid extérieur ? ou bien si cette importante propriété
doit être simplement attribuée à la structure de leurs parties ?
255. On a cru pouvoir prouver , par la simple théorie , que
les végétaux développent de la chaleur, en faisant considérer
que le résultat général de la végétation est de solidifier des
liquides et des fluides élastiques. Mais cet effet est amplement
compensé , parce que l’eau qui entre dans les végétaux sous
forme liquide, en sort sous forme de fluide élastique , c’est-à-
dire , en emportant une grande quantité de calorique. Jean
Hunter, et ensuite MM. Schopff, Bierkander, Pietet et Maurice
, ont cherché à déterminer , par l’expérience , la température
des arbres. En plaçant un thermomètre au fond d’un trou
fait à un tronc, on observe que la température de l’arbre est
constamment plus froide que l’air pendant les six mois d’été,
et plus chaude pendant les six mois d’hiver. En comparant
celte marche du thermomètre avec celle d’autres instrumens
semblables placés dans la terre , MM. Pietet et Maurice observent
que les variations du'thermomètre placé dans 1 arbre
correspondent assez exactement à celles d’un thermomètre place
à t5 décimètres de profondeur. Desaussure a encore observe
que la neige fond presque aussi vite au pied des arbres morts
qu’au pied des arbres vivans. Ces deux derniers faits tendent à
éloigner l’hypothèse d’une chaleur propre aux végétaux , et
nous amènent à penser au contraire que les plantes qui résistent
aux extrêmes de la température sont simplement douées de la
double faculté de se mettre lentement en équilibre avec la
température de l’air , et promptement avec celle du sol.
z54- En général, l’action de la chaleur et du froid est beaucoup
moindre sur les parties solides que sur les parties liquides
du végétal. Ainsi, les graines mûres qui ne contiennent point
d’eau liquide ont résisté à des degrés excessifs de froid et de
chaud , tandis qu’elles gèlent facilement avant leur maturité ou
après leur germination. Le bois et les couches extérieures
de l’éctorce , qui l’un et l’autre contiennent peu d’humidité,
résistent bien au froid , tandis que l’aubier et le liber sont
facilement altérés. Cette altération est plus prompte encore
dans les feuilles, les jeunes pousses , les fleurs , les fruits charnus.
Si on compare les diverses plantes entre elles, on voit de
même que celles qui contiennent plus de parties liquides sont
plus facilement altérées par la chaleur et le froid; d’où l’on peut
conclure ce premier théorème, que toutes choses d’ailleurs
égales , la faculté de chaque plante et de chaque partie d’une
plante, pour résister aux extrêmes de la température, est en
raison inverse de la quantité d’eau qu’elle contient. Par cette
seule loi, nous expliquons pourquoi les gelées du printemps et
de l’automne font plus de mal que celles de l’hiver; pourquoi
il est utile, comme on le pratique en Suède , d’effeuiller les
arbres délicats à l’approche des gelées ; pourquoi les arbres
gèlent plus facilement dans les lerreins gras et humides que
dans les sols secs et stériles ; dans un temps pluvieux que dans
un temps sec ; dans les lieux exposés au soleil que dans ceux exposés
au nord , etc.
255. M. Blagden a prouvé que l’eau bourbeuse gèle beaucoup
plus difficilement que l’eau pure , et l’on sait que les liquides
visqueux , tels que les gommes et les résines, se gèlent
avec difficulté. M. de Rumford a montré encore que les liquides
sont d’autant plus mauvais conducteurs de la chaleur, qu’ils
sont plus visqueux ; d’où nous pouvons conclure ce second théorème
, que la faculté des végétaux pour résister aux extrêmes
de la température, est en raison directe de la viscosité de leurs