matière d’une discussion importante sur la formation vicieusg
des genres et des familles par les Botanistes, et sur le peu de
soin qu’ils ont pris de distinguer entre le caractère constant
qui détermine l’espèce, et la nuance locale qui donne la simple
variété.
A R T I C L E MB
Des Familles , des Genres , des Espèces et des Fariètès.
Il y a des plantes qui diffèrent entièrement et dans toutes
leurs parties; il y en a d’autres qui diffèrent seulement-dans
beaucoup de leurs parties; d’autres ensuite ne diffèrent que dans
quelques-unes de leurs parties; et enfin il y en a qui ne diffèrent
absolument dans aucunes de leurs parties.
Voilà ce qui est bien certain et bien connu; mais en rapprochant
les plantes en raison de leurs ressemblances, et en les
éloignant à mesure qu’elles diffèrent, peut-on former des
' groupes particuliers séparés par des limites bien marquées et
bien circonscrites? Peut-on, après cela , diviser et même sous«
diviser ces groupes considérables, et en former d’autres moins
composés , mais toujours déterminés par des caractères saillans,
sans rompre aucun rapport essentiel ? en un mot , existe-t-il
bien réellement des familles que l’on puisse isoler les unes des
autres? existe-t-.il des genres dont les limites ne soient jamais
confondues? enfin peut-on distinguer sans équivoque les espèces
des variétés, et celles-ci des individus?
Ce sont-Ià sans doute les problèmes les plus intéressans de
la Botanique; mais il y a beaucoup d’apparence qu’on ne pourra
de long-ternps en trouver la solution affirmative.
On a cependant agi comme si. ces questions n’existoient
point, ou n'étoient point proposables; on a regardé comme
certain , ce qui pouvoit à peine être supposé ; et en conséquence
on a essayé de former des familles du premier ordre , auxquelles,
çn a donné le nom de genre : on s’est ensuite retourné de
mille manières pour faire avec les genres des familles du se—-
çond ordre, que l’on a nommées familles naturelles ; on a
même été jusqu’au point de vouloir réunir plusieurs de ces
prétendues familles , pour former des classes, c’est-à-dire,
des divisions générales que l’on regardoit aussi comme natu«-
joliesmais, la Nature, qui ne se plie nulle part à ces règles
que l’on prétend établir sur la marche de ses productions ,
forme tantôt des interruptions subites ou des retours frappans
dans ses rapports, tantôt des nuances imperceptibles qui refusent
toute espèce de division : la Nature , en un mot, rejette
les classes et les familles, et contrarie presque par-tout les
genres même les moins composés.
Les lois qui constituent ces familles et ces genres , sont sans
cesse sujettes à des exceptions destructives (i) ; à mesure que
l’on examine plus attentivement, on est forcé de former de
nouveaux genres aux dépens de ceux que l’on avoit formés
d’abord ; réduction qui deviendra de jour en jour plus nécessaire
, à mesure que les observations se multiplieront, ou que
nous découvrirons de nouvelles plantes dont les caractères mi-
partis mettront des entraves à toutes nos règles ; et nous finirons
sans doute par n’avoir dans chaque genre qu’une seule
espèce , multipliée souvent en autant de variétés que d’individus
(2).
Je sais combien ces principes s’éloignent des idées reçues ,
et même combien de noms illustres on pourroit m’opposer.
Mais si les autorités doivent être appréciées plutôt que comptées,
quel avantage n’est-ce pas pour moi de pouvoir citer en ma
faveur un témoignage d’un aussi grand poids que celui de
M. de Buffon ? Yoici comme il s’exprime en parlant des diffé-
rens sj^stêmes imaginés par les Naturalistes.
« Prenons pour exemple la Botanique, cette belle partie de
»l’Histoire Naturelle, qui , par son utilité, a mérité de tout
«temps d’être la plus cultivée, et rappelons à l’examen les
»principes de toutes les méthodes que les Botanistes nous ont
( i ) L 'alysson spinosum, le cnicus erysilhales , Varctium carduelis ,
1 oesculus pavia, le-peplis letrandra, le convallaria bifolia, le linum ra-
diola, le lordylium authriscus, etc. etc., n’ont pas te caractère de leur
genre.
(3) Des observations nouvelles ont engage' M. Linné' à retirer du genre
des. plan tains, le littorella Lacustris ; de celui de Va cLoea, le cimicifuga
jeetida; de celui du campanula, le canarina campanula; de celui du gen-
tiana, le chlora perfoliata ; de celui du glycine, Vabrus precatorius, etc.
S ’il redoubloit encore d ’attention, peut-être retraueberoit—il de leur genre
l’cesculus pu via, le valeriana sibirica, le gratiola monnieria , Y adonis
capensis, le gentiana heleroclita, le barleria prionitis, et tant d’antres
qui refusent de se soumettre aux lois, de leur classe, de leur section et de
leur genre.