C’est ainsi que M. de Tournefort prend pour corolle dans
1 ejuncus, Vamaranthus , le kali, le tamnus , etc. les parties
que M. Linné nomme calice ; et que d’un autre côté le premier
auteur donne le nom de calice dans le rumex, le buxus, Vem-
petrum, etc. à des parties que M. Linné prend pour corolle.
On démontre actuellement au Jardin royal de Paris, sous le
nom de calice, dans toutes les liliacées , les hellébores, les
nielles, les aconits, etc. des parties que MM. de Tournefort
et Linné appellent très-décidément corolle.
Il y a plus , il ne faut qu’ouvrir les ouvrages de M. Linné »
pour y appercevoir que dans un grand nombre de cas, il laisse
au choix de son lecteur d’appeler calice ou copolle une même
partie de la plante. C’est ainsi que , selon lui, dans le laurus ,
le phjtolacca , le medeola , le melanthium, etc. les fleurs
ïi’ont pas de calice, à moins , dit-il, qu’on ne prenne pour tel
la corolle qui les environne; et que dans d’autres plantes, comme
le poljgonum , le ch ry s o splénium, le thesium , etc. la corolle
est nulle, à moins, dit-il encore , qu’on ne regarde comme tel
le calice de leurs fleurs : preuve bien évidente qu’il n’attache
point lui-même aux termes de corolle et de calice des idées
fixes et précises qui puissent fournir un moyen sûr de recon-
noître l’existence de l’un ou de l’autre.
Les étamines sont dans le même cas ; tantôt les filamens stériles
ne sont comptés pour rien, lorsqu’il s’agit de déterminer
leur nombre: ainsi le gratiola est placé dans la djandrie, et
Vherniaria dans la pentandrie ; et tantôt, au contraire , ces
mêmes filamens font nombre avec les étamines : ainsi Yalbucct
se trouve placé dans l’hexandrie , et l’anacardium dans la dé—
candrie (i).
Quelquefois le nombre des étamines est fixé par celui des anthères,
sans avoir égard aux filamens, comme dans le mon—
niera, le fum aria, etc. ; d’autres fois , ce sont les filamens qui
déterminent les étamines ; et le nombre des anthères est négligé*
comme dans lé dianthera, le theobrama, le stemodia, etc.
On trouve très-souvent dans les fleurs de certaines plantes ,
des parties très-différentes les unes des autres par leur nature ,
mais qui peuvent fournir d’excellens caractères pour distinguer
(i) M. Murrai a replacé avec raison ce dernier genre dans l’ennéandrie,
Murr. $ysl, végél.
ces plantes. Ce sont tantôt des appendices ou des prolongemens
singuliers de la corolle, en forme de cornet ou d’éperon postérieur;
tantôt des rainures, des fossettes ou des enfoncemens
sur les pétales ou sur l’ovaire ; tantôt des écailles, des folioles
ou des cornets intérieurs; tantôt des glandes, des filets ou des
poils , et tantôt enfin des portions même de la corolle qui s’avancent
un peu plus que d’autres.
Toutes ces parties qui n’ont aucune ressemblance , aucun
rapport entre elles, ont reçu, malgré cela, le nom vague de
nectaire : il faut l’avouer, cette manière de trancher d’un mot
la difficulté , est très-commode pour l’auteur qui fait un système
: mais dans quel embarras ne jette-l-elle pas ceux
qui , d’après de pareilles notions , entreprennent d’étudier la
Nature !
En effet , on trouve souvent plusieurs de ces nectaires ,
très-différens , réunis dans la même fleur; et alors comment
déterminer lequel doit conserver son nom aux dépens des
autres ?
C’est ainsi que le prolongement en forme d’éperqn que l’on
observe derrière les fleurs de violette, de capucine, etc. conserve
sans difficulté le nom de nectaire , tandis qu’on le refuse
à un pareil éperon dans les orchis , pour l’accorder au pétale
inférieur de leur corolle.
Les divisions, soit de la corolle, soit du calice, sont encore
si mal determinees , qu’on ne sait très—souvent si l’on doit regarder
ces enveloppes comme étant d’une seule ou de plusieurs
pièces dans telle ou telle plante que l’on observe. La corolle
des mauves est monopétale selon M. de Tournefort, et poly-
pétale selon M. Linné. D’un autre côté , ces deux auteurs s’accordent
à regarder la corolle de la tulipe et celle du lys comme-
composées de six pétales très-distincts; et ces corolles sont démontrées
au Jardin royal , comme n’étant qu’un calice mono-
phylle à six divisions.
Il seroit trop long de rapporter toutes les déterminations
embarrassantes des noms que l’on a donnés aux différentes
parties des plantes; mais ce n’est point assez d’avoir montré
l’incertitude et l’obscurité répandues de toutes parts sur ces
premières notions faites pour éclairer l’entrée de la Botanique.
Nous allons voir les difficultés se multiplier à mesure que nous
pénétrerons plus avant dans cette science. C’est ce qui fera la
A 4