nouveau nom, et qui finissent très-souvent par lui constituer un
genre propre à elle seule (i) ?
Qui ignore les révolutions nombreuses que la plupart des
ombellüères ont éprouvées de la part des Auteurs qui ont
écrit sur les plantes ? On pourroit presque compter le nombre
des synonymes de chacune d’elles, par celui des Botanistes qui
ont fait des systèmes. Le siler alterum pratense de Dodonéè
a été rangé parmi les sespli par G. Bauhin, replacé ensuite
avec les angéliques par M. de Tournefort, et réuni après cela
au peucedanum par M. Linné-j mais comme ses semences n’ont
pas tout-à-fait le caractère du peucedanum, des Botanistes plus
modernes en font un ligusticum, d’où peut-être d’autres le retireront
encore pour le replacer ailleurs. Le danois montamts
apii folio major de Bauhin est nommé cervaria par Rivin;
oreoselinum par Tournefort ; athamanta par le chevalier
Linné j et M. Scopoli le rapporte au selinum.
Les plantes ombellifères ne sont pas les seules qui fournissent
des exemples de ces transports multipliés, et de la mauvaise
déterminaison des genres.
En effet, la plupart des composées sont dans le même cas ;
les cniois , carduus, serratula, carthamus , atractylis, etc.
sont fort mal distingués les uns des autres- On aura souvent de
la peine à saisir la différence qui fait que le serratula arven-
sis n’est point un carduus, puisque le calice alongé du carduus
pycnocephalus, du carduus crispas, etc. ne les a pas fait rapporter
au serratula. On ne sait sur-tout pourquoi le carduus
serratuloides n’ést point un serratula, ainsi que tant d’autres
dont le calice un peu alongé n’est presque point épineux. On
pourra aussi prendre le carduus Spriacus , le C. stellatus, le
C. eriophorus, et bien d’autres, pour des cnicus, tandis que
le cnicus erysithales sort du caractère de son genre : enfin
beaucoup d’espèces de centaurea seront pareillement confondues
avec les carthamus, cnicus, etc., non pas par les Botanistes
que l’usage de se communiquer entre eux a mis au fait
des conventions reçues , mais par ceux qui, se trouvant réduits
à consulter les règles même, n’auront pas occasion d’être avertis
des exceptions nombreuses auxquelles elles sont sujettes.
(i) Parmi les douze cent vingt-huit genres qu’a formés M. Linné, il s’ea
trouve quatre cents qui ne renferment qu’une seule espèce.
J’aurois pu,, pour prouver ce que je viens de dire , faire un
très-grand nombre de citations, sur-tout si j’avois voulu rappeler
les limites incertaines et trop souvent violées des genres
qui comprennent les plantes à demi-fleurons, tels que sont
ceux des hieracium, crépis, sonchus, lactuca, scorzonera, etc. ;
tels encore ceux des alysson , draba , cochlearia, lepidium ,
thlaspi, etc. $ tels enfin ceux de beaucoup de labiées, graminées
, etc. etc. Mais ce que j’ai dit est plus que suffisant pour
faire voir combien l’idée de conserver des rapports a gêné les
Botanistes dans la formation des genres, et combien l’opiniâtreté
avec laquelle ils ont t">t sacrifié à ce préjugé, jette d’irrégularités
dans leurs principes, et porte atteinte à la stabilité
de leurs règles, qui se perd dans la multitude des exceptions :
ils n’ont pas senti qu’il y auroit eu bien moins d’inconvénient
à se mettre peu en peine des rapports , pour former des loix
saillantes, des divisions nettes et circonscrites, démenties , à
la vérité , par la marche libre et infiniment variée de la Nature,
mais bien plus propres à nous conduire avec certitude à la con-
noissance de chaque individu.
Il me sera facile de montrer que tout ce que je viens de dire
à l’égard des familles et des genres, a aussi parfaitement lieu
pour les espèces, et que l’étude de la Botanique à cet égard
est encore embarrassée de mille incertitudes et de difficultés
insurmontables : car, au lieu de chercher à distinguer les espèces
par des caractères tranchans, toujours confirmés par la
constance dans la reproduction , et sans jamais employer le
plus ou le moins, presque tous les Botanistes à présent multiplient
infiniment les espèces aux dépens de leurs variétés; ils
ne cormoissent plus de bornes à ce désir de créer de nouveaux
êtres ; la moindre nuance dans la grandeur, dans la couleur ou
dans la consistance de deux individus , leur suffit pour former
deux espèces particulières. Us ne font pas attention que les
semences d’une même plante portées dans deux endroits diffé-
rens , exposées et cultivées dans des circonstances tout-à-fait
contraires, produiront nécessairement , au bout de quelques
années, deux plantes qui différeront beaucoup par leur aspect
extérieur ; c’est-à-dire, que l’une pourra être vigoureuse , succulente
, d’un verd plus foncé, plus garnie dans toutes ses parties
, etc. tandis que l’autre sera maigre, dure, blanchâtre,
^ioins élevée, quelquefois mêmq un peu penchée, moins glabre