D I S C O U R S
»données; nous verrons avec quelque surprise qu’ils ont en
rftous en vue de comprendre dans leurs méthodes généralement
»toutes les espèces de plantes, et qu’aucun d’eux n’a parfaite-
» ment réussi ; il se trouve toujours dans chacune de ces mé—
»thodes un certain nombre de plantes anomales dont l’espèce
»est moyenne entre deux genres , et sur laquelle il ne leur a
»pas été possible de prononcer juste , parce qu’il n’y a pas plus
»de raison de rapporter cette espèce à l’un plutôt qu’à l’autre
»de ces deux genres : en effet, se proposer de faire une mé-
»thode parfaite , c’est se proposer un travail impossible ; il
»faud roit un ouvrage qui représentât exactement tous ceux de
»la Nature ; et au contraire , tous les jours il arrive qu’avec
»toutes les méthodes connues, et avec tous les secours qu’on
»peut tirer de la Botanique la plus éclairée, on trouve des
»espèces qui ne peuvent se rapporter à aucun des genres com-
»pris dans ces méthodes, etc., (i)». ,
Il eût été cependant bien avantageux, pour faciliter l’étude
de la Botanique , d’avoir des genres bien faits et déterminés
par des caractères certains et à l’abri de toute équivoque, afin
de n’être pas obligé de donner à chaque plante, un nom particulier
, ce qui surchargerait infiniment la mémoire ; et afin de
faciliter l’analyse, qui me paraît être le seul moyen que l’on
puisse employer pour parvenir à la connoissance d’une plante
ou de tout autre objet appartenant à l’Histoire Naturelle.
Mais il falloit pour cela, regarder ces genres comme artificiels,
et n’avoir aucun égard aux rapports des plantes en les formant ;
car on sait que l’on peut souvent rapprbcher un très-grand
nombre de plantes par des rapports assez marqués , sans pouvoir
les circonscrire par des caractères déterminés et tranchans.
Malheureusement les choses , même encore à présent , sont
vues sous un aspect tout-à-fait différent. La formation des genres
par les Botanistes modernes doit être plutôt regardée comme
une recherche sur les rapports des plantes, que comme un
moyen de les connoître et de lés indiquer sans erreur.
Quand je dis qu’il ne faut pas avoir égard aux rapports des
plantes dans la formation des genres , qui , selon moi , ne
peuvent être qu’artificiels ; je ne prétends pas pour cela donner
comme genres des assortimens bizarres, où la loi des rapports
(i) Hist. Nat. premier Discours, page 18 et suiv.
;ôaturels se trouverait entièrepient violée; je veux dire seulement
que les caractères à l’aide desquels on tracera les limites
qui détermineront les genres, ne doivent être gênés par aucune
des considérations qui entrent dans la formation d’un rapprochement
de rapports, c’est-à-dire, d’un ordre naturel; mais
bien loin que les espèces qui composeront un même genre
soient disparates, le caractère artificiel qui les unira, sera choisi
de manière à leur conserver les unes à l’égard des autres, le
rang même qu’elles occuperont dans la série naturelle des
plantes.
Ainsi, après avoir formé cette série d’après les principes
qui seront exposés dans la dernière partie de ce Discours, il
faudra tirer de distance en distance , des limites artificielles ,
qui détacheront autant de petits grouppes, dont les plantes
seront liées à l’aide d’un caractère simple , ou de deux caractères
combinés, que l’on obtiendra d’une ou de deux parties
quelconques , et non pas exclusivement , des parties de la
fructification.
Ces grouppes seront les genres dont j’ai parlé , genres qui
se rapprocheront de la Nature autant que le peut l’ouvrage
de l’art.
Il n’est pas difficile de sentir l’avantage que ces mêmes
genres auront à tous égards sur ceux qu’ont adopté la plupart
des Botanistes qui, pour se rapprocher de la Nature, les ont
assujettis à des exceptions nombreuses par la préférence exclusive
qu’ils ont données aux parties de la fructification.
De pareils genres ne peuvent être qu’infiniment arbitraires,
parce que la nature , comme je l’ai observé , marche tantôt
par des rapports si extraordinaires, que l’on désespère de
pouvoir lier ensemble les individus que l’on veut comparer
en vertu de ces rapports , et tantôt par des nuances si délicates
de variétés , qu’il paroît impossible de les saisir ; d’où
il arrive qu’au milieu de cette multitude de points communs
et de routes qui semblent se fuir, on ne trouve sans cesse
qu’incertitudes et difficultés; on ne sait pour l’ordinaire à quel
genre rapporter telle ou telle plante que l’on observe. Aussi
comme chaque Auteur place cette plante à son gré , ou en
ratson du système qu’il a formé, quelle confusion ne voit-on
pas naître de tant de principes différens qui la font voltiger
sans cesse de genre en genre , lui donnant chaque fois un