aa D I S C O U R S
Je m’efforcerai, au contraire, de trouver ma plante dans îs
pentandrie, l’octandrie ou la décandrie. Si, d’un autre côté,
cette même plante ne portoit que des fleurs toutes mâles ou
toutes femelles, la privation de l’autre individu m’empêcheroit
de me déterminer entre la polygamie et la diæcie ; et enfin,
quand je devinerois qu’elle doit être placée dans la diæcie, si
c’est un individu femelle , je serai encore arrêté sans pouvoir
fixer la section qui est fondée sur le nombre des étamines.
Combien, d’ailleurs, de plantes, soit dioïques, soit polygamiques,
dont les fleurs mâles né sont prises pour telles que
parce que très-souvent leur fruit avorte, mais qui ont néanmoins
des pistils très-sensibles?
Mais quand même on seroit parvenu à déterminer la classe
à laquelle appartient une plante que l’on a dessein de cpnnoître ,
il se présente souvent, dans la recherche de l’ordre ou dans
celle du genre, de nouvelles difficultés qui tiennent encore à
la nature foncièrement vicieuse du système.
Imaginons, par exemple, qu’ayant cueilli un pied du sola—
mim dulcamara , j’aie recours au système pour trouver le nom
de ma plante 5 le premier travail qu’exige cette recherche est
un choix à faire sur vingt-quatre divisions présentées toutes
à-la-foisj et en supposant que la réunion des étamines ne
m’égare pas , je me déciderai pour la pentandrie : trouvant
ensuite un second choix à faire sur six autres divisions présentées
également à-la-fois, l’inspection du style solitaire me
conduira, si Ton veut, sans difficulté à la monogynie.
Mais ici le système nous transporte tout-à-coup au milieu
de cent trente genres, parmi lesquels il faut, pour ainsi dire,
deviner quel est celui qui convient à notre plante. Il est vrai
que le célèbre auteur de cet ouvrage a fait imprimer ailleurs
quelques sous-divisions particulières pour nous conduire un
peu plus loin ; mais il a eu soin de ne les placer que dans des
espèces de tables situées, à l’entrée des classes , afin de ne pas.
dégrader son système , qui, quoique plus utile, se seroit alors
rapproché de la méthode, puisque les caractères de ces sous-
divisions sont empruntés de toutes sortes de parties.
Il est cependant bien singulier de pouvoir dire que le système
sexuel soit encore, malgré ses défauts, très-supérieur à
tant de. méthodes que l’on a imaginées jusqu’ici, quoique les,
auteurs de ces dernières, eussent bien plus de ressources poux
P R É L I M I N A I R E .
parvenir à leur but, puisqu’ils n’étoient point gênés par l’unité
de principe , et que la facilité de multiplier et de varier à leur
gré les données, devoit naturellement les conduire à des solutions
plus complettes.
Il ne sera pas difficile de remonter à la cause qui a gâté et
altéré toutes les méthodes, si l’on considère, en premier lieu,
que les Botanistes qui se sont appliqués à cette espèce de travail
, au lieu de tendre uniquement et directement à leur but,
ont été arrêtés par des considérations qui leur devenoient
tout-à-fait étrangères. En effet, ils ont tous aspiré à l’honneur
du système, et se sont gênés sur le choix des moyens, dans
la crainte de ne point assez simplifier les principes sur lesquels
ils éiablissoient leurs méthodes. En conséquence, ils ont fait
le moins de divisions qu’il leur a été possible, et ont mieux
aimé les appuyer sur des caractères équivoques, que d’en
emprunter de toutes les parties des plantes qui pouvoient leur
en fournir d’assez marqués j ce qui eût été cependant se rapprocher
de la vraie Botanique, et multiplier les traits de
ressemblance entre leur ouvrage et celui de la Nature.
Ce préjugé n’est pas le seul dont les méthodes aient eu à
souffrir. On se fit une loi sévère de ne point séparer les plantes
qui avoient des rapports communs; comme si le moyen qui
conduit par des divisions nombreuses jusqu’aux plantes qu’il
doit indiquer, pouvoit être un ordre naturel, et comme s’il
étoit possible de faire une seule division sans rompre quelque
part des rapports marqués..
Il ne faut qu’ouvrir l’ouvrage de M..de Tournefort, pour y
reconnoître, si j’ose le dire, l’abus qu’il a fait de son esprit,
en se retournant de mille manières , pour éviter de prétendus
inconvéniens, dont il n’a pu cependant garantir sa méthode.
En effet, ce fut par le désir de conserver tes rapports que,
pour caractériser sa neuvième classe, il abandonna la considé»
ration de la corolle, et n’employa que celle du fruit. Il auroit
pu cependant s’appercevoir que , dans le peu de divisions qu’il
avoit faites, il avait déjà rompu trop d’affinités, pour tenir
encore à son opinion. Car, combien de plantes , dont lessrap-
ports sont très-frappans , se trouvent séparées par sa première
distribution, qui met d’un côté les sous-abrisseauxetles herbes,
et de l’autre, les arbrisseaux et les arbres , quoique d’ailleurs,
cette distribution soit très-peu circonscrite, et devienne
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