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et moins garnie de feuilles ou de fleurs j mais Ce sera toujours
du plus ou du moins, et les caractères ne seront point vraiment
tranchans. Cependant si l’on fait de ces deux plantes deux
espèces différentes, et qu’on les place comme telles dans le catalogue
des espèces de leur genre, que va devenir la Botanique
fondée sur de pareils principes? quel chaos, et comment
se reconnoître? sur-tout si, à l’exemple de M. de Tournefort,
en entame une fois les variétés des anémones , des tulipes, des
narcisses, des oreilles-d’ours, des pommiers et poiriers, etc. etc. ;
nous verrons continuellement naître et disparoître tour-à-tour
des milliers d’espèces qui jetteront de la confusion dans nos con-
noissances, et rendront nos travaux beaucoup ,plus pénibles,
sans que nous puissions espérer d’en recueillir aucun fruit.
En effet, les deux plantes dont je parlois dans l’instant, cultivées
par la suite dans un même jardin pour l’usage des démonstrations
, partageront alors des circonstances à-peu-près
semblables dans leur culture , leur exposition, etc. Ainsi leurs
différences disparoîtront insensiblement, et nos catalogues seuls
conserveront une espèce que la Nature auroit perdue, si elle
n’eût été plutôt notre' ouvrage que le sien.
Il est donc constant, par tout ce que je viens de dire, que
quoique les travaux des Naturalistes modernes aient doublé et
même triplé la collection des plantes observées jusqu’à ce jour,
et que leurs observations aient prodigieusement enrichi cette
partie de l’Histoire Naturelle ; avec tout cela , le peu d’efforts
qu’ils ont faits pour faciliter la connoissance de leurs découvertes
j la foiblesse et l’insuffisance des moyens qu’ils ont employés
pour donner de la stabilité aux principes qu’ils ont admis
•, la mauvaise déterminaison des caractères génériques et
spécifiques ; et en un mot, les systèmes nombreux, tous plus
ingénieux qu’utiles, confirment parfaitement ce que j’avois annoncé
sur les obstacles insurmontables que l’on trouve à chaque
pas dans l’étude d’une science aussi importante.
D’ailleurs les systèmes ou les méthodes artificielles qui de-
vroient toujours nous conduire par une voie également aisée et
certaine à la dénomination des plantes que nous cherchons à
connoître ou à nous rappeler , sont, outre leur insuffisance , si
difficiles à saisir et à concevoir, que l’on ne peut guère parvenir
à en avoir la clef sans s’être rompu dans l’habitude d observer
les plantes, et par conséquent sans en connoître déjà un
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grand nombre. De là il arrive que la plupart de ceux qui étudient
les systèmes, se bornent à les vérifier sur les individus
qu’ils connoissent déjà , ou s’exposent à tomber dans des méprises
grossières, et ne tirent d’autre fruit de ces recherches
scientifiques dans lesquelles ils s’engagent, que de s’égarer avec
plus de confiance.
Ainsi cette étude précieuse, appliquée autrefois avec tant de
succès au profit de l’économie animale par des hommes célèbres
à qui, sans le secours des méthodes et des systèmes , un
coup-d’oeil très-exercé et des observations exactes suffisoient au
milieu du petit nombre d’individus connus alors; cette élude ,
dis-je, devenue immense de nos jours, n’est presque plus compatible
avec tant d’autres objets indispensables auxquels s’étend
l’art de guérir. L’impossibilité de se rendre habile en peu de
temps, étouffe l’ardeur de s’instruire , retarde les progrès de la
science, et nous prive de mille tentatives heureuses , de mille
découvertes intéressantes , auxquelles des connoissances plus
certaines, plus faciles à acquérir, plus généralement répandues,
ne manqueroient pas de donner naissance. La difficulté des systèmes
épaissit le voile qui nous cache les secrets de la Nature,
et l’étude approfondie de la Botanique n’est plus que le partage
d’un petit nombre de Naturalistes, que leur aisance met
à portée de se livrer tout entiers à une inclination louable , à
la vérité, mais stérile pour le bien de l’humanité , et qui presque
toujours annonce plutôt l’amateur qui cherche à occupée
son loisir, que le citoyen jaloux de se rendre utile.
S ECO N D E PARTIE.
De V 'insuffisance des moyens que Von a employés
pour faciliter l’étude de la Botanique.
La Botaniqueme consiste pas, .comme bien des gens se l’imaginent,
dans l’habitude de considérer telle ou telle plante,
et d appliquer à l’idée qu’on se forme de son port, un nom
quelconque indiqué par une étiquette ou par un Professeur.
Celte façon d’étudier les plantes, qui est peut-être la plus
commune, pourroit suffire jusqu’à un certain point, si le règne
végétal se trouvoit réduit à un nombre borné d’individus qui