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sucs nourriciers, outre que leurs parties se multiplieront et prendront
de l’embonpoint , le nombre des pétales pourra croître
dans chaque fleur, et cet accroissement se fera le plus souvent
aux dépens des étamines (i) , dont les unes dégénéreront en
nouveaux pétales, et les autres resteront la plupart sans anthères
, 'et ne seront qu’ébauchées ; enfin toutes les étamines ,
et les pistils eux-mêmes, pourront se convertir en pétales, et
alors il n’y aura plus de fleur proprement dite , et par conséquent
plus de fruit à attendre. On a distingué des fleurs de
plusieurs sortes, à raison de ees différentes variations, et l’on a
appelé ,
Fleur simple (flos simplex), celle qui n’a que le nombre de
pétales qui convient à son espèce.
Fleur double ( flos multiplex ), celle qui acquiert un plus
grand nombre de pétales qu’elle ne doit avoir naturellement,
mais dans laquelle les organes sexuels subsistent encore en partie
, et fournissent quelques graines fécondes : l’oeillet offre des
exemples de la fleur double. Les Fleuristes distinguent encore
un degré intermédiaire entre la fleur simple et la fleur double
, savoir, la fleur semi-double : cette dernière variété est
très-commune parmi les renoncules et les anémones.
Fleur pleine ( flos plenus ), celle dont la corolle est occupée
toute entière par des pétales provenus de l’expansion des
étamines et des pistils, et qui, par cette raison, reste absolument
stérile, ou ne peut se multiplier qu’à l’aide des rejets et
des boutures. On trouve souvent des fleurs pleines sur lamatri-
caire, la pivoine , certaines espèces de rosiers , etc.
La fleur pleine est le but vers lequel tendent les soins du
Fleuriste , dont les intérêts sont à tous, égards séparés de ceux
du Botaniste. Le premier , en effet, plus jaloux de jouir que
de connoîtrc , appelle continuellement l’art au secours de la Nature
, pour exciter celle-ci à des efforts inconnus , et ménager à
l’oeil des surprises par la nouveauté des couleurs et par le luxe
pompeux des ornemens : il sacrifie tout au brillant et à l’apparence
; il néglige l’espèce en faveur de quelques individus qu’il
(i) Si l’ on, décomposé un narcisse double, on observera que la partie
inférieure des étamines subsiste encore dans le tube de la corolle, tandis
que la partie supérieure à acquis, par la surabondance de la sève, un«
force expansive qui l’assimile aux pétales ordinaires de la fleur.
a adoptés , auxquels il prodigue ses soins , et qu’il transforme
en de nouveaux êtres, qui, sous les dehors de la fécondité et
de l’abondance, cachent une dégradation réelle.
Le Botaniste , au contraire , uniquement attentif à étudier ,
à épier la Nature, se plaît à la contempler dans cette naïve
simplicité, plus précieuse sans doute que ces agrémens dont
on ne l’embelKt que par la contrainte : il n’adopte les nuances
qu’autant qu’elles n’altèrent point d’une manière sensible la
constance des formes primitives; en un mot, l’individu qui
s’oft’re à lui dans ses recherches , n’est point à ses yeux un
être isolé; il y voit comme le type et le modèle de l’espècs
entière, et il aime à y retrouver ces traits unis, mais vrais,
que la Nature a fidèlement prononcés dans les productions qui
lui appartiennent tout entières.
Une grande partie des fleurs qui naissent à l’aide de la culture
, sont donc de véritables monstres végétaux ; mais la
multiplication ou le développement contre nature des parties
simples, qui, dans le règne animal, produit des difformités
choquantes , ne fait ici qu’ajouter à l’individu de nouvelles
grâces et un nouveau prix pour ceux qui se bornent à la satisfaction
momentanée du coup-d’oeil ; au reste , la Botanique
n’aura jamais rien à craindre de l’art du Fleuriste. La Nature
est si riche , et a des ressources si multipliées , que l’abandon
qu’elle fait dans nos parterres de ses plus beaux
droits , est moins une perte pour elle, que l’occasion d’une
des plus agréables jouissances qu’elle puisse accorder à l’amateur
des jardins.
La corolle périt dans toutes les plantes à l’époque de la fécondation
; dans les fleurs doubles , la fécondation est empêchée
par l’avortement des organes sexuels, en sorte que la corolle y
persiste beaucoup plus long-temps ; c’est leur mutilation même
qui cause le principal mérite de ces fleurs , savoir, leur longue
durée.
i3g. Il arrive quelquefois que la sève, qui se porte toujours
avec plus d’affluence dans la direction de l’axe de ,la plante ,
tend à faire éclore une seconde fleur à côté de celle qui doit
occuper le centre : mais insuffisante pour fournir à ce double
emploi, elle laisse son opération imparfaite, et il n’en résulte
qu’une monstruosité d’un genre particulier, une fleur jumelle
dans laquelle le nombre des étamines varie au-dessus de celui