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au lieu Je l’ordre? Aussi n’ai-je point prétendu m'affranchir
absolument de toute espece de loi dans la disposition des végétaux.
L’ordre dont il est ici question, au lieu d’être un amas
confus de dénominations jetées au hasard , formera au contraire
un ensemble soumis à des règles fixes , mais qui ne le diviseront
pas, et ne tendront qu’à déterminer la place que doit
occuper chaque espèce dans la série générale.
Pour exposer mes principes d’une manière claire et méthodique
, il me semble que tout se réduit à résoudre, s’il se peut,
les trois problèmes suivans :
i°. Déterminer la plante que l’on doit placer là première,
èt oui soit comme le point fixe d’où l’on partira pour graduer
l’ordre entier, et arriver, par une succession naturelle de
rapports, jusqu’à la dernière limite du règne végétal.
2°. Etablir les règles qui doivent diriger l’observateur
dans le rapprochement des espèces.
3°. Trouver un moyen pour se reconnaître dans un ordre
où l’on n’admet aucune ligne de séparation.
Je ne me flatte point de résoudre ces trois problèmes d’une
manière complette; je sais que les résultats, en pareille matière
, se réduisent nécessairement à des approximations qui
prêtent encore aux conjectures. Mais si nos solutions ne nous
mènent pas toujours précisément au but, elles nous aideront
du moins à éviter les écarts frappans où nous entraîneroient des
principes fondés sur la considération d’un caractère isolé.
P R O B L È M E P R EMI E R .
Indiquer la plante que l’on doit choisir pour commencer
l’ordre.
Pour résoudre ce problème , il faut pouvoir répondre au
moins à l’une des deux questions suivantes :
Quelle est la plante qui nous paroit la plus vivante , la
mieux organisée , en un m ot, la plus parfaite ?
Quelle est la plante que nous devons juger naturellement
la moins complette dans ses organes, et qui semble s’êloi-
gner le plus des autres, plantes par ses différens aspects ?
Il est beaucoup plus aisé de satisfaire à la seconde question
qu’à la première. La cryptogamie de M. Linné nous offre une
sorte de dégradation dans le règne végétal; ce n’est pas que le
jeu des mêmes organes, et peut-être de plus grandes merveilles
encore , n’aient lieu dans les points où nous cessons de
voir. Le microscope nous a appris combien il existoit d’objets
au-delà de la portée de nos yeux, et combien nous en devions
concevoir au-delà de ce qu’il nous découvre lui-même. La Nature
travaille encore à notre insu, souvent même pour notre
utilité, derrière ce voile que le Créateur a opposé à notre
curiosité. Mais comme nous ne pouvons juger que d’après ce
que nous connoissons, il faudra commencer l’ordre par quelqu’un
de ces individus, qui, à raison du mécanisme imperceptible
de leurs organes essentiels, sont à notre égard comme
les premières ébauches des productions végétales. Ainsi il faudra
se déterminer pour un agaric. •
Il est vrai que l’ordre une fois formé, on doit le renverser, afin
de remettre la chaîne dans sa situation naturelle, et présenter
d’abord les plantes dans lesquelles l’organisation paroît être la
plus active et la plus complette.
P R O B L È M E I I .
Mesurer les degrés de rapport qui peuvent servir à rapprocher
les plantes.
' On ne peut disconvenir d’abord qu’il n’y ait un grand nombre
de plantes qui se rapprochent comme d’elles-mêmes, en vertu
des rapports marqués qu’elles présentent de toutes parts. Aussi
tous les Botanistes se sont-ils réunis dans la disposition respective
de ces individus qui ont entre eux, pour ainsi dire, un air
de famille, tels que les graminées, les labiées, les liliacées , les
légumineuses, les composées , les crucifères, etc. Tous s’accordent
à reconnoître la gradation des nuances qui lie les sor~
bus avec les cratoegus ; ceux-ci avec les mespilus; ces derniers
eux-memes avec les pyrus , etc. : et ces portions de série, flexibles
en tout sens , se sont prêtées par la multiplicité des rapports
à tous les principes divers qui ont servi de base aux ordres
naturels.
J’adopterai donc les parties de ces ordres sur lesquelles les
Botanistes ont prononcé d’une voix unanime ; d’autant plus