sur la nomenclature de la Botanique, qui est devenue la partie
la plus difficile de la science , par les changemens continuels
que chaque Auteur s’est cru en droit de lui faire subir. Les
noms ne sont, comme l’on sait, que les signes de nos idées •, et
ces signes , parfaitement arbitraires dans Leur première institution
, n’acquièrent de valeur réelle et solide que par l’usage
constant qui en fixe l’acception. Cette raison auroit dû,,
ce me semble , engager les Botanistes à le respecter un peu
davantage.
L’invention des genres est d’un grand secours pour soulager
la mémoire, en diminuant la somme des termes employés
pour former les noms. Mais n’est-ce pas détruire l’avantage
que l’on peut retirer de ces dénominations communes à plusieurs
espèces, que de convertir, comme a fait M. Linné , le
nom de rnays en zea , celui de syringa en philadelphus , celui
de jalapa en mirabilis, celui d’onagra en oeno tirera , celui de
salicaria en lithrum , etc.? Quel motif peut donc avoir eu cet
illustre Auteur, de rajeunir des noms ignorés , pour les substituer
à ceux qu’un long usage avoit rendus familiers aux Botanistes?
et n’auroit-il pas dû sentir combien les mots deve—
noient par-là nuisibles aux choses même , et combien c’étoit
rendre l’étude de la science pénible et rebutante, en- la surchargeant
d’une érudition déplacée , et en mettant souvent les
Botanistes dans le cas de ne plus s’entendre les un$ les autres?
De la formation des genres, naît la nécessité des noms génériques
, et de la détermination des espèces , résulte l’utilité
des noms triviaux , qu’on doit plutôt appeler noms spécifiques.,
et qui servent aux premiers comme d’adjectifs. On ne sauroit
méconnoître ici l’obligation que nous avons à M. Linné, pour,
avoir établi ces dénominations simples qui suppléent avec.tant
d’avantage aux longues phrases descriptives dont il falloit autrefois
s’embarrasser la mémoire, et qui cependant, toujours
insuffisantes pour nous donner une juste idée des espèces, exi-:
geoicnt encore le secours d’une description détaillée qu’il fallait
consulter.
Mais ces deux sortes de noms doivent être soumis à des règles
dont on ne peut s’écarter qu’au préjudice de la science dont
ils tendent à faciliter l’étude.
En effet, les noms génériques doivent être le moins significatifs
qu’il est possible, parce que très-souvent le caractère
qu’ils exprimeroient pourroit ne pas convenir à toutes les espèces
comprises dans le genre. Ainsi le nom de poténtilla, que
l’on prétend être un dérivé depôtentia (i), vaut mieux que celui
de quinquefolium, parce que les plantes de ce genre n’ayant
pas toutes leurs feuilles composées de cinq folioles, ce dernier
nom les représenteroit mal ; au lieu que celui de poténtilla, dont
l’étymologie est beaucoup moins expressive , n’est pas cense
convenir davantage à une espèce qu’à l’autre.
Les noms spécifiques, au contraire , qui ont un objet déterminé
, doivent toujours être significatifs, et exprimer, autant
qu’il est possible, quelque qualité sensible, et sur-tout exclusive,
des espèces qu’ils désignent. Ainsi menianthes trifolia,
prunus spinosa , ajuga reptans , etc. nous offrent des noms spécifiques
dont l’application est juste et naturelle. Au contraire ,
dans Yeuphorbia antiquorum, l’éuphorbia ofjicinarum, 1 eu—
pliorbia spinosa, les noms spécifiques antiquorum, ofjficinarum,
spinosa, sont très-défectueux. Les deux premiers supposent
des connoissances que l’inspection de la plante île donne pas,
et le troisième convient à plusieurs espèces qui sont réellement
épineuses , tandis que, par un abus bien singulier du langage,
l’espèce à laquelle on l’a attache ne porte point d epines. Il n y
a pas moins d’inconvénient à emprunter les noms spécifiques
de ceux d’un pays ou d’un savant, ou de quelque usage, ou
d’une qualité quelquefois idéale. Cette considération auroit dû
faire rejeter tant de dénominations vagues, telles que celles de
cortusa mathioli, gratiola monnieria, evonimus europoeus,
veronica hybrida , laurus nobilis , etc.
Mais il me semble que rien n’empêche d’adopter pour noms
génériques, ceux des hommes célèbres qui se sont distingués
dans l’Histoire Naturelle, ou qui en ont fait fleurir l’étude par
la protection qu’ils lui ont accordée. C’est une espèce d’hommage
que l’on rend à leur mérite ; et les amateurs de la Botanique
ne peuvent qu’être flattés de retrouver dans le symbole
d’un objet qu’on leur fait connoître , le souvenir d’un nom précieux
à la science même.
(i) On a donné, dit-on, à l’argentine le nom de poténtilla , à cause des
vertus puissantes que l’ onattribuoit à cette plante*