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ces deux limites, quelle immense succession de nuances à parcourir
! nuances qui, semblables à celles que le mélange des
couleurs introduit dans la peinture , sont presque toujours composées
elles-mêmes d’autres nuances partielles, et dans lesquelles
il faudrait démêler les modifications légères qui appartiennent
à la forme des parties, à leur grandeur, à leur disposition
, à leur nombre, etc. Que seroit-ce si l’on vouloït
tenir compte de tant d’autres différences inappréciables, et
qui cependant marquent toutes dans le plan du Créateur? de
quelle nature seroit la mesure qu’il faudrait porter sur cet assemblage
merveilleux de détails en tout genre, où se trouvent
réunis et combinés en mille et mille manières, la délicatesse
des reliefs , les reflets brillans du coloris, la grâce des contours ,
la mollesse des draperies', le croisé admirablement varié des
tissus, le mécanisme vivant des parties internes , etc. ; modèle
inimitable , si foiblement copié par la main de l’homme , et
qui, infiniment supérieur en tout aux productions de ces arts
imitatifs que nous cultivons avec effort, annonce, par la perfection
même de l’ouvrage, un ouvrier à qui rien n’a coûté?
Ces considérations sont bien propres à nous faire sentir la
foiblesse de nos lumières; mais elles ne doivent pas nous décourager.
Elles nous avertissent du moins que ce n’est qu’à
force de voir , d’observer, de comparer les objets , d’apprécier
les détails, de multiplier les aspects , que nous pourrons
parvenir à rapprocher les individus les uns des autres de la manière
la moins défectueuse.
Un exemple familier fera sentir encore mieux cette vérité.
Que l’on présente à un homme du peuple, dont les vues sont
resserrées pour l’ordinaire dans le cercle étroit des objets relatifs
à sa profession ; qu’on lui présente , dis-je , une pomme ,
une orange et une nèfle; qu’on lui demande ensuite laquelle de
l’orange ou de la nèfle lui paraît avoir le plus de rapport avec
la pomme, il est à présumer que , séduit par la grosseur et la
forme à-peu-près sphérique de l’orange et de la pomme, il
rejetera la nèfle, comme ayant avec la pomme moins de ressemblance
que l’orange. Il n’est cependant aucun observateur un
peu exercé qui ne sente combien ce jugement seroit défectueux.
Ainsi l’apperçu de la1 ressemblance entre les parties homogènes
de deux plantes , sera toujours le résultat de l’expérience
de l’observateur; mais les règles établies ci-dessus, serviront
du moins à déterminer la valeur de celle ressemblance, et à
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lui assurer la préférence sur celle des autres parties qui mériteraient
moins de fixer l’attention.
Et pour citer encore ici les Auteurs qui ont composé des
ordres naturels , on sentira comment , à l’aide de ces mêmes
règles, le frêne, qu’ils rangent ordinairement à côté des lilas ,
troène, etc. , pourrait se rapprocher des érables ; comment la
distance considérable qu’ils mettent entre le marronnier et le
châtaignier, pourrait disparaître en grande partie; comment
enfin le nymphoea, que M. Linné range dans le voisinage du
phytolacca , se trouve plus naturellement dans celui du podo-
phyllum, où il a été placé par M. de Jussieu au Jardin royal
des Plantes.
En effet, comparons le nymphoea avec le phytolacca d’une
part, et avec le podophyllum de l’autre , et essayons d’appliquer
ici les valeurs que nous avons établies, pour être à portée
de nous décider entre les deux savans illustres que j’ai cités
dans l’instant.
Le nymphoea
comparé
au podophyllum , offre ,
Cal. Une demi-ressemblance dans le calice,
parce que , quoiqu’il ait à-peu-près le
même nombre de folioles de part et d’autre,
il est persistant dans le nymphoea ,
et caduc dans le podophyllum................. IQ
Cor. Une demi-ressemblance dans la corolle,
cpoamrcme eq udee <jl eàs i5p é,t aelte sa ssseozn st emnobmlabbrleeus xd e,
part et d’autre pour la forme................... 14
Etant. Une ressemblance dans les étamines ,
parce que leur nombre est indéfini, constamment
au-delà de vingt...................... t5
Pist. Une ressemblance dans le pistil, parce
que dans les deux genres, l’ovaire est ovale,
non applati, sans style , mais chargé d’un
stigmate large , en plateau, ou rabattu— i5
Pério. Une demi-ressemblance dans le péricarpe,
qui est une baie, uniloculaire
dans lepodop. , pluriloculairedans 1 enym-
phoea , mais dont les loges de part et d’autre
sont polyspermes................................. 12
Sem. Une ressemblance dans les semences ,
parce qu’elles sont petites et arrondies
dans l’un et l’autre genre.......___ 5o
T otal................................... g6
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