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sucs ; ce qui explique pourquoi les arbres supportent en automne
des froids qui les auroient tués au printemps ; pourquoi
plusieurs arbres résineux résistent à des froids Irès-inlenses, etc.
256. La physique nous apprend encore que l’eau gèle plus
facilement quand sa masse est plus grande; M. Senebier a vu
que l’eau résiste à 7 degrés de froid dans les tubes capillaires ,
qui sont cependant d’un plus grand diamètre que les vaisseaux
des plantes. Nous savons encore que l’évaporation est d’autant
plus facile, que l’ouverture des tubes est plus large ; d’où je conclus
cette troisième loi : la faculté des végétaux pour résister aux
extrêmes de la température , est en raison inverse du diamètre de
leurs vaisseaux et de leurs cellules ; ce qui fait concevoir, par
exemple, pourquoile tissu cellulaire gèle avant le tissu vasculaire.
257. On sait encore que l’eau , lorsqu’elle est dans un repos
parf ait, résiste à plusieurs degrés de froid, et qu’elle s’évapore-
moins par la chaleur; d’où nous conclurons que la faculté des
végétaux pour résister aux extrêmes de la température, est en
raison inverse du mouvement de leurs liquides; ce qui nous
donne une seconde cause de la facilité avec laquelle les arbres
gèlent lorsqu’ils sont chargés de feuilles.
258. M. de Rumford a prouvé qu’à l’exception de la chaleur
rayonnante , dont les loix sont encore mal connues , les molécules
de liquide ne se transmettent pas l’une à l’autre le calorique
dont elles sont échauffées ,'mais le reçoivent des solides, et
le transmettent aux solides ; on sait encore que les molécules
chaudes deviennent légères, et tendent à monter, tandis que
les molécules froides deviennent lourdes, et tendent à descendre.
Si nous appliquons ces données à la végétation, nous
voyons qu’un arbre a l’extrémité inférieure de ses vaisseaux
plongée dans le sol, et aspire toujours un liquide plus frais que
l’air en été, et plus chaud en hiver; ce liquide s’élève jusqu’au
sommet du végétal sans difficulté , et met tout l’intérieur de
l’arbre au niveau de la température du sol. Lorsque, changé en
suc propre , il redescend le long des parties extérieures de l’arbre
, il a acquis toutes les qualités qui peuvent le faire résister
au froid; il est devenu plus visqueux ; son mouvement est devenu
plus lent, sa quantité moins considérable. La structure
même de l’écorce des dicotylédones concourt à émousser Faction
de la température extérieure. Ainsi les poils et les cellules
externes de l’écorce contiennent de l’air captif, qui e.st l’un des.
A C T I O N DE S ORGANE S . 2o5
corps les moins perméables au calorique ; la surface extérieure
de l’écorce est souvent charbonnée, et enfin toute la charpente
des végétaux est composée des matières qui transmettent le
plus difficilement le calorique. C’est sans doute à la structure
même de l’écorce qu’on doit attribuer la faculté qu’ont la plupart
des dicotylédones, de résister au froid, tandis que les arbres
monocotylédones qui sont dépourvus d’écorce, sont presque
tous incapables de supporter la gelée. Concluons donc que
si certains végétaux résistent aux extrêmes de la température ,
si tous sont plus chauds que l’air en hiver, et plus frais en été,
il n’est point nécessaire d’admettre que les végétaux développent
de la chaleur, mais que ces faits s’expliquent facilement
en appliquant aux végétaux les loix connues des Physiciens sur
la transmission de la chaleur.
C H A P I T R E I I I .
DES FONCTIONS QUI CONSTITUENT LA VIE DE L’ESPÈCE,
ou DE LA REPRODUCTION.
A R T I C L E P R E M I E R .
De la Reproduction en général.
25g. Il existe dans les végétaux deux modes de reproduction
très-différens, les boutures et les graines. Une bouture est une
partie de la plante qui se sépare et qui forme un nouvel être
distinct de la plante-mère, mais animé par la même force vitale.
Une graine est un nouvel être qui se forme sur la plante-
mère, qui en tire sa nourriture pendant quelque temps , et qui
ensuite s’en sépare après avoir reçu la vie par une opération
particulière. La bouture étant une continuation du même être,
n’a point d’enveloppe propre; la graine étant un être essentiellement
distinct, a une enveloppe propre.
La bouture ne se développant que dans les circonstances favorables
, n’a point d’organes particuliers propres à la former
ou à la nourrir ; la graine, destinée à maîtriser les circonstances
, a reçu des organes particuliers de formation et de nutrition.
La bouture étant une continuation du même être, le
reproduit avec toutes les particularités qui lui sont propres,
c’est-à-dire, qu’elle redonne les moindres variétés; la graine
étant un nouvel être , ne ressemble à la plante qui l’a formée
que dans les parties essentielles à l’espèce.