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une ou plusieurs fois une graine germante , ces deux organes
changent aussitôt leur direction. Hunter a fait germer des
plantes au centre d’un globe sphérique plein de terre et placé
sur une machine qui lui faisoit décrire un mouvement circulaire
continu ; la radicule s’est tortillée tout à l’entour de la graine,
et a péri, quand elle n’a pu s’alonger davantage, ce qui montre
que dans chaque instant indivisible elle avoit tendu au centre
de la terre. On peut arrêter légèrement cette tendance , eu
plaçant une graine de telle sorte qu’elle ait de la terre humide
en dessus, et de la terre très-sèche en dessous; dans ce cas la
radicule descend très-peu et se tortille horizontalement, de
manière à profiter de l’humidité sans cependant s’élever auprès
d’elle : ce phénomène mystérieux est le plus inexplicable de
tous ceux que les végétaux nous présentent.
C H A P I T R E IV .
DE LA DURÉE DES VÉGÉTAUX.
294. Relativement à leur durée, on distingue généralement les
plantes en trois classes : les annuelles Q , qui ne vivent qu’un
an; les bisannuelles a , qui vivent deux ans; les vivaces ,
qui vivent plus de deux ans. Cette division, qui est commode
pour les cultivateurs , est entièrement subordonnée aux circonstances
extérieures., et ne peut satisfaire le Physiologiste. En
effet, des plantes annuelles, comme la capucine, deviennent
vivaces lorsqu’on les empêche de donner des graines, c’est-à-
dire lorsqu’bn rend leurs fleurs doubles. Des plantes bisannuelles
deviennent annuelles dans les climats chauds ; des plantes vivaces
, telles que le riccin èt la belle de nuit, deviennent annuelles
dans les climats froids.
Nous trouverons une division plus précise en considérant le
but même de la végétation, qui est de produire des graines.
Sous ce rapport, je divise les végétaux en deux classes : i°. ceux
qui ne peuvent produire de fruits qu’une seule fois , ou les mo-
nocarpiques ; 2°. ceux qui peuvent produire du fruit plusieurs
fois, ou lespolycarpiques. Parmi ceux-ci on peut encore distinguer
ceux où la même lige porte du fruit plusieurs fois, ou
les caulocarpiques , et ceux où la même tige ne porte du fruit
qu’une fois, mais où la racine pousse chaque année de nouvelle#
tiges , c’est-à-dire les rhizocarpiques.
ïîùS. Les plantes monocarpiques sont de durée fort différente ;
les unes, comme certains mucors , naissent et meurent le même
jour; d’autres, comme quelques Véroniques, exécutent toutes
leurs fonctions en moins de trois mois: la plupart, dans nos
climats, vivent environ un an; il en est qui, comme l’onagre,
durent deux ans ; quelques-unes , enfin , telles que les agaves ,
vivent près de cent ans; mais toutes prolongent leur existence
jusqu’au moment où elles ont porté des graines; toutes meurent
irrémissiblement après la maturité de leurs graines. Dans toutes
l’art de l’homme peut alonger ou abréger la durée de la vie,
en retardant ou en accélérant la fructification.
296. Les plantes polycarpiques offrent des phénomènes bien
différens : leur enfance est ordinairement plus prolongée; mais
lorsqu’elles ont porté leurs graines , elles continuent à vivre , à
pousser de nouvelles tiges ou de nouvelles branches , qui elles-
mêmes donnent de nouvelles graines. Or, comme le nombre
des branches ou des tiges que les plantes peuvent pousser sans
fécondation nouvelle, est réellement indéfini ; comme ce nombre
peut être indéfiniment augmenté au moyen des boutures et des
greffes; comme on ne doit appeler un nouvel individu que celui
qui est le produit d’une fécondation nouvelle , il s’ensuit que
la durée des individus parmi les plantes polycarpiques, est
réellement indéfinie. Je suppose qu’on n’eût apporté d’Amérique
qu’un seul tubercule de pomme de terre, et que cette
plante n’eût jamais depuis lors été semée de graines , mais propagée
par la division des tubercules, il est clair que tous les
individus de pomme de terre , existans aujourd’hui dans l’Europe,
seroient (aux yeux du Physiologiste ) des parties d’un
même individu , et qu’ainsi cette plante seroit, pour ainsi dire,
immortelle. Il n’en est point ainsi dans la nature : les accidens
que les corps extérieurs font nécessairement subir à la plante,
arrêtent sa durée et la font, pour ainsi dire, périr toujours de
mort violente ; chaque plante résiste à ces corps extérieurs avec
une énergie déterminée par sa structure , et c’est ainsi cette
structure qui détermine la duréq ordinaire de chaque espèce :
celles dont le tissu est mol et herbacé , périssent en peu d’années
; les arbres vivent en général d’autant plus long-temps ,
que leur bois est plus dur et leur surface difficile à altérer :
ainsi on arrive à concevoir comment certains arbres immenses,