6 INTRODUCTION.
(le celles que permet l'histoire naturelle ordinaire, pour
être cultivée par les mêmes personnes.
On restreint donc cette dernière aux objets qui n'admettent
pas de calculs rigoureux, ni de mesures précises
dans toutes les parties ; encore lui soustrait-on d'ordinaire
la météorologie, pour la réunir à la physique
générale ; Xhistoire naturelle ne considère donc proprement
que les corps bruts, appelés minéraux, et les diverses
sortes d'êtres vivans, dont il n'est presque aucun
où l'on ne puisse observer des effets plus ou moins variés
des lois du mouvement et des attractions chimiques,
et de toutes les autres causes analysées par la physique
générale.
L'histoire naturelle devrait, à la rigueur, employer
les mêmes procédés que les sciences générales, et elle
les emploie réellement toutes les fois que les objets
qu'elle étudie sont assez simples pour le lui permettre.
Mais il s'en faut de beaucoup qu'elle le puisse toujours.
En effet, une différence essentielle entre les sciences
générales et l'histoire naturelle, c'est que dans les premières
on n'examine que des phénomènes dont on règle
toutes les circonstances, pour arriver, par leur analyse,
à des lois générales, et que dans l'autre les pliénomènes
se passent sous des conditions qui ne dépendent
pas de celui qui les étudie et qui cherche à démêler,
dans leur complication, les effets des lois géné-
DE LTIISTOIKE NATUKELLE.
raies déjà reconnues. Il ne lui est pas permis de les
soustraire successivement à chaque condition, et de réduire
le problème à ses élémens, comme le fait l'expérimentateur;
mais il faut qu'il le prenne tout entier
avec toutes ses conditions à-la-fois, et ne l'analyse que
par la pensée. Que l'on essaie, par exemple, d'isoler les
phénomènes nombreux dont se compose la vie d'un
animal un peu élevé dans l'échelle : un seul d'entre eux
supprimé, la vie entière s'anéantit.
Ainsi la dynamique est devenue une science presque
toute de calcul : la chimie est encore une science toute
d'expérience; l'histoire naturelle restera long-temps,
dans un grand nombre de ses parties, une science toute
d'observation.
Ces trois épithètes désignent assez bien les procédés
qui dominent dans les trois branches des sciences naturelles
; mais en établissant entre elles des degrés très
différens de certitude, elles indiquent en même temps
le but auquel les deux dernières de ces sciences doivent
tendre pour s'élever de plus en plus vers la perfection.
Le calcul commande, pour ainsi dire, à la nature; il
en détermine les phénomènes plus exactement que
l'observation ne peut les faire connaître; l'expérience
la contraint à se dévoiler ; l'observation l'épie quand
elle est rebelle, et cherche à la surprendre.