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Angularité, & quim’eft venu trop tard pour le mettre dans une des planches
qui regardent les voeux. C eft M. Fritfch qui m’en a communiqué l’eftampe
dont je vais faire la defcription : c’eft un navire repréfenté dans un bas relief.
Il a vers la pouppe un gouvernail, & des trous fur les flancs pour les rames
qui ne s’y voient point. A la pouppe on voit une loge telle qu’on la voit dans
les trire,mes de la colonne Trajane. Le vaiffeau a un pont, fur le milieu
duquel eft affife fur une chaife une femme queTinfcription nous apprend être
la mere des dieux. Elle n’a pas ici des tours fur la tête, qu’on voit ordinairement
dans fes autres images. Hors du navire, & fiirunebafequarréeeftune
femme voilée, qui femble tirer à elle ce vaifleau par un lien attaché au haut
de la prouë. L’infcription qui eft au deflous du navire eft curieufe, & fe doit
lire ainft CMutri T)eum & narvi Suivie! Sa.il/ie-, voto fùfcepto Claudia, Syntyche
dedicuvit. Le îèns eft que Claudia Syntyché a'iant fait un voeu, a dédié ce
monument à la mere des dieux, & au navire de Salvia Salvia. De forte que
le monument qui repréfente la mere des dieux fur le navire eft dédié, & à
la mere des dieux & au navire enlèmble , ce qui eft aifez extraordinaire ;
c eft comme fi l’on dédioit quelque monument à Jupiter & à Ion temple. Il y a
apparence que Claudia Syntyché eft la Prêtreife de la mere des dieux, & que
c’eft elle qui tient le navire attaché à un lien 3 & qui femble le tirer vers elle,
Voilà bien des voeux faits enconfequence de quelque-vifion, oufonge3 ou
commandement des dieux. Selon l'opinion commune de prefque tous les
Païens 3 les dieux fe manifeftoient aux hommes 3 ou par lefonge que les Grecs
appelloient Onar 3 ou par quelque réalité 3 foitenfo montrant eux-mêmes 3 ou
en donnant des marques fenfibles de leur préfence par quelque merveille,
comme quand Æmilia Veitale acculée d’avoir par fa faute laiffé éteindre le
feu perpétuel ~ invoqua Vefta J & jetta fa robe de lin fur un autel où il n y
avoit que de la cendre froide | priant la déeffe que s’il n’y avoit point de fa
faute, elle fit en forte que fà robe s’enflammât dans le moment 3 ce qui arriva
félon fa priere. Les Grecs exprimoient ces deux marques fenfibles de la
prefence des dieux par ce mot Hypar. llsétoient fi perfiiadez que les dieux
fe montroient en ces deux maniérés | que Denys d’Halicarnalfe traite d’Athées
les Philofophes qui le nioient ; fi pourtant 3 ajoûte-t’i l , on peut donnerle
tkiam cacerorum aftequendam funt Tatis. Unum
tantummodo adjiciam fingularitate fiia fpe&abi-
liilimutn , mihique tardius oblauum , quam ut po-
tuerim ipfum in aliqua tabularum vota fpe&antium
locare. Incifam porro ejiis imaginem mecum com-
munfeavit vir c lari film us D. Fritfch, cujus hie
deferiptionem aggredior. Navis eft in anaglypho
exhibita V juxta puppim ejus gubernaculum vifi-
tur j in lateribus autem foramina remis inferen-
dis.. In puppi cafula qu«dam confpicitur quales
in triremibus column« Trajan« oblervantur. Supra
tabularum interiora navis operiens, fedet in
fella mulier [ quam docet inferiptio matrem deüm
efte,: qu« turritam coronam minime geftat, qualem
in aiii’s iconibus. Extra navim quadrat« baft in-
liftit mulier velata , qu« navim vinculo a prora
alligatam ad fe pertrahere videtur. Inferiptio fub
’navi j)ofita fpedabilis fane eft ficque legitur. Ma -
tri dturn & navi Salvia Salvia voto fufeepto Claudia
Syntyche dedicavit. Id quod certe infolens pror-
fus eft, cum nempe dicitur monumentum ex voto
dedicatum effe Matri deüm & navi; perinde autem
eft ac ft diceretur monumentum aliquod di-
catuni effe Jovi ejufque templo. Yidctur porro
Claudia Syntyche Sacerdos elfe Matris deum, &
ipfa elfe Syntyche qu« navim vinculo alligatam
ad fe pertrahit.
En vota quam plurima poft vifum, aut fom-
ftium aut jufliim deorum. Erat h«c fere communis
omnium profanorum veterum opinio deos
fefe hominibus confpiciendos pr«bere , aut per
fomnium , Gr«ci vocabant $ aut reipfa; nempe
vel fefe confpiciendos exhibentes ; vel pr«fen-
ti« fu« qu«dam figna dantes per aliquod patra-
tum miraculum, ut cum ^Emilia virgo Veftalis ,
delata quod ex culpa fua facer ignis ille perpetuus
exftin&us eflet, narrantc Dionyfio Halicar-
nafeo p. iz8. Veftam invocavit, & lineam fuam
veftem in aram projecit, qua in ara frigidus tan-
tum cinis aderat, deam precata, ut ft nulla fua
culpa illud accidiflet, veftis ftatim inftammaretur,
id quod etiam accidit : hafee fub fenfiim caden-
tes prxfenti« deorum notas, Gr«ci per umtp exrim
ebant. Ufque adeo autem perfuafum habe-
ant, deos fefe hifee modis exhibere, ut Diony-
fius Halicarnafeus p. iz8. Philofophos hoc ipfum
negantes «tfl»#« appellet , fi tamen, pergitille, >*
Philofophi vocandi funt, qui deos unquam, vd
L E S V O E U X .
nomade Philofophes a ceux o[ui fe mocquent de ces apparitions des dieux
arrivées où chez les Grecs, ou chez les Barbares, Se qui tournent en ridicules
toutes les hiftoires de cette natureprétendant que ce ne font que de vaines
fiftions, & qu’aucun des dieux ne fe mêle de ce qui fe paffe parmi les
hommes. 1
On etoit fi prévenu de ces apparitions, ou en fonge, ou-en vifion ; que
chaque payis, & chaque Ville avoit des hiftoires de cette forte ; & il ftétoit
pas fur de les nier, ou de témoigner qu'on ni ajoutoit pas trop de foi. Cicéron
qui dans le fonds n etoit pas des plus crédules, après avoir rapporté plufieurs
exemples des dieux qui s étoient montrez en l’une ou en l’autre maniéré,
dit vers la fin du fécond Livre de la nature des dieux : » Les apparitions
frequentes des dieux, que j ai rapportées ci-devant, prouvent qu’ils veillent »
& ftir les Villes, & fur chaque particulier. Cela le prouve aulfi par la con- »
noilfance des choies futures que plufieurs reçoivent, loit en longe, loit en »
veillant. Le préjugé etoit fi grand lur cet article que plufieurs croioient
que le monde etoit plein de ces divinitez. De-là vient que Quartilia diloit s
Notre payis elt fi plein de divinitez, qui 1 honorent de leur préfence, que »
vous y trouverez plus facilement un dieu qu’un homme'. >•
Les anciens Auteurs font pleins de ces fortes d’apparitions ; Paufanias
donnant raifon pourquoi ceux de Smyrneavoient donné des ailes à Nemefis ;
c eft, dit-il, quelle apparoît fouvent aux amans , voilà pourquoi on lui a
donne des ailes comme a Cupidon Le préjugé.alloit fi loin , que plufieurs
croioient que les dieux venoient quelquefois dans lés Villes dont ils palfoient
pour les-fondateurs j-quik eonverfoient avec lescitoïens, qu’ils étoient pré-
iens aux fàcrifiçes, & aux grandes fêtes, vus de tous ceux de la Ville , mais
invifibles aux étrangers ; c’eft ce que rapporte Dion Chryfoftome en la j j .
Orailon p. 408.
fPHi ;9recos velapudBail>arosficappanii(re.cum judicata opinio, valebat, ut multi crederenc orbem
ludibno negant, atque hujufmodi hillotias ut ti- numinibtis elTe plenum. Hinc Quartilia dicebat :
diculas habent, a Vams hommibus confiftas. Ne- mffra regia tarn prrfamins plena eft mmm.bas, at
gapt emm quempiam deorum ea, qua: apud bo- fiicilws pojfo deam mum hommem mvenire.
minesgeruntur curare Prifci feriptores bare vffa paffim commemorant:
Devtlis & lomnus hujufmodi tanta infidebat Paulanias, qusrens cur Smyrnxi alas Nemefi de-
in hominum animis opinio ,'ut quarque urbs, re- derint, lure habet : r»V h i,
gio quatque hiftorias ejus. generis haberet, quas » r.,V ifm ifaW , « totw ttyeim erlte^ Hem, turn
fine periculo vel' negate, vel in dubium vocare »«7« , amarere enhn deam aiant Us maxima , aui
nemoaubus eflet.Cicero,quern nemo adeo credulum amori fe dediderum ; ideaejae Uli, ut & Cupidini,
faille dixerit, poftquam multa attulerat exempla alas adiunt. Eo ufque autem id opinionis inva-
eorum, qui fe akerutro modo exhibuiftent, in luerat, uc crederenc plurimi deos aliquando in eas
hne fecundi de natura deorum libri ait : praterea urbes adventare quarum fundacores habebancur
ipforum deorum fepe prafeutU, sjuales fupra comrne- cum civibus verfari, facrificia & dies fellos prie-
moravi, declarant ab his & civitatibus & fingulis lentia fua honorare, civium tantum, nonexterno-
bommibus confuli : quod quidem intclligitur etiam fi- rum oculis patentes , reference Dione Chryfoftomo
gntficationihus rerum futurarum, cyua nun dormienti- Oratio.ne 33. p. 40S.
*us» turn vigilantibiis portenduntur. .Tantum pr«-