k lurel de conclure que le polynésien ne dérive point
du malaïo, mais bien que ces deux idiomes proviennent
d’une langue plus ancienne, dont le polynésien
offre le rameau le plus pur, tandis que le malaïo a été
grandement modifié par l’influence du sanscrit?
Un accident grammatical très-remarquable dans
les quatre principaux dialectes polynésiens connus
et qu’on retrouve dans le bisaïa et le tagala ^ est la
présence d’un double duel et d’un double pluriel pour
le pronom de la première personne, ayant pour objet
de déterminer si la personne à qui l’on parlait était
comprise ou non dans l’action énoncée. Cette distinction
assez minutieuse ne se retrouve, à notre connaissance,
dans aucune langue asiatique; mais elle atteste
que le polynésien avait déjà acquis un développement
notable lorsqu’il fut disséminé au travers des îles de
rOcéanie.
A file Formose, du moins dans l’état actuel de nos
connaissances, paraissent s’arrêter au N. O. les traces
de l’ancienne langue polynésienne; mais il faut avouer
qu’elles y sont encore nombreuses. Les noms de
nombre sont pour la plupart polynésiens, comme :
7 -a u a d e n x , to r o trois, h p a t quatre, / macinq, n o u n i
six, e tp ü o sept; quelques autres mots se rapportent
également au polynésien, el surtout au madekass.
Vers l’Occident, les traces de cette langue se retrouvent
chez diverses peuplades de la presqu’île de
Malacca et Sumatra. Nous avions long-temps imaginé
que des vestiges en existeraient encore dans les idiomes
de.s îles Nicobar et Andaman; mais le peu de
mots que nous avons pu nous procurer sur ces idiomes
a suffi pour nous démontrer qu’ils en différaient
complètement. Enfin Madagascar paraît être sa limile
la plus reculée vers l’ouest.
Ce qui n’est pas moins digne d’attention que la permanence
des langues dans les principaux groupes de
la Polynésie, c’est la division constante de la population
en trois classes portant des désignations semblables
ou évidemment dérivées de la même origine,
savoir ;
Pour la classe la plus distinguée, renfermant les
principaux chefs : à Hawaii, a r i i ; à Taïti, a r ü ; à
Tonga, e g u i ; enfin à la Nouvelle-Zélande, M i h i .
Pour la seconde classe, comprenant en général les
nobles ou propriétaires de terre : à Hawaii, h a n a -
k i r a ; à Taïti, r a a - l i r a ; à la Nouvelle-Zélande, r a n g a -
l i r a . A Tonga, cette classe n’existe point, ou se trouve
en partie fondue dans celle des éguis, d’une part; de
l’autre, dans celle des m a ta - b o a l e s .
Enfin, pour la dernière classe comprenant tout le
bas peuple, on employait à Hawaii le mot t a n a t a ou
k a n a k a ; à Taïti, t a a l a ; à Tonga et à la Nouvelle-Zélande,
t a n g a l a , expressions qui partout signifiaient
tout simplement h o m m e . A Hawaii et à Taïti, les
hommes du dernier rang ou serviteurs étaient aussi
appelés te o u t e o u , et à Tonga to u a .
Cela n’annonçait-il pas une distinction de castes
très-ancienne, ou du moins antérieure à la dispersion
de la famille polynésienne ?
Quand on réfléchit attentivement à cette étonnante