car ce document fera connaître d’une manière certaine
la limite du peuple polynésien. On peut en juger
déjà par le peu que nous possédons des idiomes
de Rotouma et de Tikopia; tout porte à croire que
ces îles, où la langue polynésienne esl singulièrement
altérée, sonl déjà situées aux confins des deux races;
mais ce sont des faits à mieux constater.
En attendant les développemens plus complets que
nous comptons présenter, à une époque plus favo-
lable, dans la troisième partie de cet ouvrage, nous
nous bornerons à déclarer ici que nous n’avons pu
trouver aucuns rapports satisfaisans entre le grand
polynésien et aucune des langues connues des deux
continens voisins. Pas une de celles de l’Amérique
n’offre le moindre point de contact avec le polynésien.
Il en esl de même des langues des peuples riverains
du continent asiatique vers l’Orient, comme
l’anam, Pava, le pegou, le siamois, le chinois et le
japonais. Les noms de nombre eux-mêmes, qui résistent
plus que toute autre partie des langues aux altérations
du temps, cessent d’offrir la moindre analogie.
Toutefois, quant au chinois, il esl quelques mots,
tels que tonga, est, en polynésien, el toang en chinois;
ùe ou /if chinois et mawi, colère; heou chinois,
prince, et hou longa; ke mawi et chinois, étranger;
ngao chinois, vieille femme, et ngdi mawi ; oua chinois,
eau pure, pluie en mawi; ta tonga et chinois, battre,
frapper; tao chinois, épée, lance en tonga el mawi;
tao chinois el taou longa, parvenir; taï chinois et
mawi, femme enceinte; teou chinois, toou tonga,
combattre; w « chinois, mal mawi, b on ;/« « chinois
et mafanna tonga, chaud; inou polynésien, boire, et
in chinois, etc., qui pourraient être rapprochés; mais
ces rapports, sauf un petit nombre, sont assez vagues,
quand on considère le caractère monosyllabique
de la langue chinoise, et la quantité de significations
diverses qui répondent souvent à la même articulation.
En tout cas, ces rapports ne pourraient indiquer que
des communications fortuites, communications qu’on
peut facilement expliquer par les jonques qui ont dû
être souvent entraînées à d’immenses distances par
les vents et les courans de l’ouest. Un exemple bien
remarquable de ces accidens se trouve rapporté dans
le second volume du premier Voyage de Kotzebue.
Ce navigateur raconte qu’en parcourant le Journal
d’.Alexandre Adams, alors capitaine dans la marine du
célèbre Tamea-Mea, il vit qu’un jour Adams trouva,
sur les côtes de la Calilornie, une jonque japonaise
flottant depuis dix-sept mois au gré des vents et des
courans, et sui' laquelle il ne restait que trois Japonais
vivans sur trente-cinq personnes qui se trouvaient
primitivement dessus. Un semblable fait suffirait
même pour expliquer la population des îles polynésiennes
par l’Asie. Mais la différence des idiomes
s’oppose à accorder à leurs habitans une origine japonaise.
Seulement il est probable que ces apparitions
de blancs, dont les traditions d’Hawaii font mention,
avaient trait à des hommes du Japon ou de la Chine
qui ont pu jouer quelquefois dans ces îles le rôle de ■