Il suffit d’observer les animaux sensibles , c’est-
a-dire , qui ne sont que tels , pour s’assurer qu’ils
n’obtiennent de leurs sensations que la perception
des objets. Mais cette perception souvent répétée
forme en eux une impression durable, se fixe ou se
grave dans leur organe, et leur donne une sorte d’idées
simples , dont ils ne disposent nullement pour
en former d’autres. On reconnaît effectivement que
ces animaux ont une espèce de mémoire, non celle
de se rappeler des idées par la pensée -, mais celle
de reconnaître les objets qui ont souvent affecté leurs
sens.
Commel intelligence peut seule fournir les moyens
de varier les actions dans les besoins, on est certain, en
les suivant attentivement, qu’ils n’en possèdent point
la faculté ; car, dans chaque race, tous les individus font
toujours de même, et il leur est absolument impossible
de faire autrement. La chenille qu’on
nomme livrée fait toujours la même coque pour
envelopper sa chrysalide , et le myrméléon-fourmi-
lion construit toujours dans le sable un entonnoir
semblable pour saisir sa proie. L ’organisation de ces
animaux appropriée aux manoeuvres qu’ils doivent
exécuter, rend leurs actions nécessairement uniformes
dans les individus des mêmes races, et transmet
par la génération la même nécessité à ceux qui
en proviennent.
Si l’on eût approfondi ce fait très-connu , on
n’eût point taxé d'industrie les manoeuvres, quelque
singulières qu’elles soient, d’un assez grand nombre
de ces animaux. Je reviendrai sur ce. sujet lorsque
je m ’occuperai des insectes.
Tous les animaux sensibles ont les organes du
mouvement ( les muscles ) attachés sous la peau;
mais les uns sont des animaux munis de pattes articulées
, ou au moins dont le corps ou certaines de
ses parties sont divisés en segmens ou articulations ;
tandis que les autres n’offrent aucune articulation
dans leurs parties ; en voici la raison.
En attendant que la nature ait pu* dans les animaux
de la III.e partie ( les vertébrés ) , former un
squelette intérieur pour donner des points d’appui
plus énergiques au système musculaire , elle a généralement
transporté ces points d’appui sous la
peau des animaux dont il est maintenant question.
Mais, dans les uns, elle a eu besoin de pourvoir
à la facilité et souvent même à la vivacité des
mpuvemens, et elle y est parvenue en solidifiant
plus ou moins cette peau , et la brisant d’espace
en espace; ce qui a donné lieu aux articulations
soit des pattes de ceux qui en sont munis, soit
du corps seulement dans ceux qui sont sans pattes
ou qui n’ont que des tubercules courts et séti-
fères ; tandis que, dans les autres, n’ayant point
de semblables besoins, elle a conservé à la peau
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