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 ceux  de  la  partie  occidentale  et  méridionale  de  Bornéo ,  font  un  
 délice  de  la  chair  de  l’orang,  et  lui  livrent  une  chasse  assidue.  Ces  
 poursuites  servent  à  l’éloigner  de  plus  en  plus  des  lieux  populeux  
 le  long  des  bords,  des  fleuves,  et  à  le  rélèguer  dans  l’intérieur  des  
 forêts,  quoique  par  goût  il  aime  à  établir  sa  demeure  vers  les  bords  
 des  eaux.  Lorsqu’un  orang  a  été  tué par  des  flèches  empoisonnées ,  
 les  indigènes ne  tardent pas  à enlever  une partie  abondante des  chairs  
 à  l’enlour  des  blessures;  puis  dépouillent  l’animal,  le  coupent  par  
 morceaux,  en  mettant  soigneusement  de  côté  la  graisse  dont  ils  
 font  un  délice,  et  s’en  servent  pour  la  cuisson  de  leurs-  ali mens.  Ils  
 font  rôtir  la  chair sur  les brasiers,  ou  la  coupent par  tranches qu’ils  
 font secher  au soleil  et  qui  portent alors  le  nom de Dinrfing.  La peau  
 leur  sert  pour  en  faire  des  jaquettes,  ou  des  bonnets  de  forme  
 grotesque,  dont  ils  s’affublent  les  jours  de  fête  on  bien  pour se  donner  
 un  air  redoutable.  Les mâles  de  forte  taille  sont  ordinairement  
 tres-gras;  leur  poids  est  souvent  de  nature  à  faire  la  charge  de  trois  
 ou  de  quatre  hommes.  La  chair  de  l’orang  est  blanche  et  molle,  
 elle à,  comme  celle  des  autres  espèces  de  singes, un  goût  douceâtre  
 qui  répugne  au  pallais  d’un  Européen. 
 Lorsque  l’orang  se  sent  blessé  grièvement  il  monte  incontinent  à  
 la  cime  de  l’arbre  sur lequel il  se  trouve,  ou, lorsque  cet  arbre  n’est  
 pas  assez  élevé,  il  passe  sur un  autre  qui  puisse  mieux  le  mettre  à  
 l’abri  des  armes.  Dans  l’ascension  il  fait  entendre  sa voix mugissante  
 semblable  à  celle  de  la  panthère.  Pour  produire  ces  sons  il  avance  
 les  deux  lèvres  en  forme  d’entonnoir;  mais,  lorsque  sa  voix  devient  
 plus  sourde  et  bourdqgnante,  il  ouvre  la  bouche  et  fait  entrer  l’air  
 dans  la  poche  gutturale  fortement  tendue.  Il  ne  montre  pas  les  
 dents  à  son  adversaire,  comme  le  font  les  autres  grandes  espèces  
 de  singes,  ni  ne  fait  usage  de  cette  arme  puissante  pour  mordre,  
 vu  que  sa  force  redoutable  consiste  uniquement  dans  celle  de  ses  
 muscles;  car,  malheur  à  ceux  qui  tomberaient  entre  ses bras vigoureux. 
   Ne  pouvant  assouvir  sa  rage  contre  son  ennemi,  il  s’en  prend 
 au*  branches  de  l’arbre  qu’il  monte  précipitamment,  casse  des  
 bûches  de  l’épaisseur  du  bras  et  les  lance  à  terre,  de façon  que tonte  
 la  cime  d’un  arbre  est  souvent  dévastée  par  cette  ascension  tumultueuse. 
   Il  est  probable  que  cette  manière  de  fuir  a  pu  fournir  
 matière  à  tous  ces  contes  exagérés,  que  l’orang  lance  des  projectiles  
 à  son  ennemi,  ce  qui  est  complètement  faux,  vu  que  les  grosses  
 branches  qu’il  casse  dans  sa  furie,  échappent  aussitôt  de  ses  mains  
 et  tombent  à  terre,  de  manière  qu’à  une  distance  au  dessous  de  
 l’animal,  le  chasseur  ne  court  aucun  danger.  Cette  habitude  est  
 bien  connue  des  Daiaks  et  les  chasseurs  de  Mr.  Muller,  dont  l’un  
 avait  tué  sept  de  ces  animaux et  l’autre  trois,  assurent  que  l’homme  
 ne  court  aucun  danger  dans  celte  attaque. 
 A  Bornéo  l’orang  n’a  pas  d’autre  ennemi  que  l’homme,  car  le  
 Tigre  longibande  (Felis  macrocelis), le  plus  grand des  carnassiers  de  
 cette  île,  est  moins  grand  que  la  panthère, et  ne  pourrait  l’attaquer  
 avec  succès;  bien  moins  encore  VOurs des  cocotiers,  (Ursusmala-  
 yanus)’,  qui  s’en  prend  rarement  à  l ’homme  ou  aux  grands  mammifères. 
   Mais  à  Sumatra  il  est  exposé  à  plus  de  dangers,  vu la présence, 
   dans  celte île,  du  Tigre royal  (Felis ligris), contre les poursuites  
 duquel  il  ne  seraiL  pas  en  sûreté,  si  ce  redoutable  carnassier  ne  
 manquait de  toute  faculté  de  grimper  au  tronc perpendiculaire  d’un  
 arbre.  Pour  se  soustraire  à  la  poursuite  de  l’homme,  la  prudence  et  
 la  ruse  dont  il  est  doué  viennent à  son  secours;  ayant  une  ouie  très-  
 fine,  il  est  sur  ses  gardes  au  moindre  bruit  qui  interrompt le  séjour  
 ombragé  et  solitaire  qui  lui  sert de demeure;  il  est  défiant  au moindre  
 son,  soit  de  celui  de  la  voix  ou  bien  du  craquement  des  feuilles  
 et  des  fougères  sous  les  pas  de  l’homme  qui  se  dirige  vers  son  gîte;  
 alors  il  glisse  furtivement  dans  les  plus  épaisses  touffes  du  feuillage  
 et s’y  tient  immobile  jusqu’à  ce  que  le  danger  soit  passé;  ce  qui  fait  
 que  les  Daiaks,  habitués  à  celte  chasse,  observent  le  plus  profond  
 silence, et  tâchent  de l ’atteindre par  ruse  et  par  surprise.  Lorsqu’ils  
 font  cette  chasse  en  petit  canot  le  long  du  cours  sinueux  de  leurs  
 grands  fleuves  solitaires,  ils  côtoient  la  plage  ombragée  en  impri- 
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