
les brouillards dont la forêt est couverte, ce qui a lieu vers les neuf
heures; vers ce tems il monte au faîte des arbres et retourne au
gîte vers cinq heures ou plus lard à l’entrée du crépuscule. Celte
manière de se choisir un abri contre les intempéries des lieux humides
qui lui servent de demeure, la pose qu’il adopte de préférence
dans le repos, celle qui lui est propre pendant le sommeil, ont
probablement fourni matière aux contes exagérés répandus assez
généralement, que cet animal construit des cabanes sur les arbres
où il alumerait du feu et ferait rôtir le poisson et le riz. Toutefois il
est certain que sa dianière de vivre est en quelque sorte semblable à
celle de l'homme, mais elle diffère essentiellement de celle de tous les
autres quadrumanes de l’Inde, comme il s’en éloigne aussi par des
formes plus parfaites et par une intelligence plus développée. L e seul
quadrumane qu’on puisse comparer à l 'Orang est le Chimpansé
d’Afrique; uous nous interdisons toutefois d’établir une comparaison
entre eux, vu que les moeurs de cette dernière espèce ne sont pas
connues, ou reposent sur des indications encore très-imparfaites. ‘
Quoique l’orang habite durant tout le jour la cime des grands
arbres, on le voit très-rarement assis ou acroupi sur les grosses branches
comme le font les hylobates ; il donne la préférence aux branches
les plus élevées et touffues, et il parcourt de celte manière le
faîte de ces vastes régions boisées. La manière dont il grimpe aux
arbres et se promène, des uns aux autres, a lieu avec cette apparence
de flegme et de circonspection réfléchie, que l’on ne trouve pas chez les
autres quadrumanes, mais ils sont plus en rapport avec les mouve-
mens de l’homme. Tandis que par le moyen de ses bras très-longs
on le voit saisir les branches, il se cramponne, par les pieds, soutenant
le corps par la force musculaire dont ccs parties sont douées;
c’est toujours en avançant avec prudence et circonspection qu’il
passe d’un arbre à l’autre, ayant soin de choisir l’endroit où leurs
ramaux se croisent; il les réunit, s’étend dans toute sa longueur
sur cette espèce de pont improvisé, et en essaye la solidité par des
secousses avant d’en risquer le passage; sa prudence attentive ne
l’abandonne pas, même dans l’ardeur de la fuite; lorsqu’il est
poursuivi, c’est plutôt par la ruse, en se cachant dans le feuillage
ou glissant d’un arbre à l ’autre, qu’il parvient à s’échapper; jamais
par des sauts hasardés, à des distances considérables, comme le
font les Hylobates; ces derniers ont dans leurs pieds de devant le
principal moyen de locomotion et d’ascension, tandis que ceux de
derrière fonctionnent principalement dans les mouvemens de l’orang ,
à tel point, que la fracture ou la paralysie d’un des membres postérieurs
peut lui devenir fatale en l’empêchant de fuir assez promptement.
Ses mouvemens à terre sont bien moins agiles que sur les
arbres ; sa marche, dans laquelle il se sert toujours des quatre
membres, est vacillante et paraît lui coûter quelque peine; il ne
saurait, par ce moyen, échapper à la poursuite de l’homme qui
l’atteint très facilement à la course. Le corps se trouve penché en
avant, reposant sur les bras faiblement fléchis au coude; dans
cette pose il ressemble à un vieillard courbé sous le poids des ans
et s’aidant de béquilles.' Il n’est pas en état d’étendre la paume
des mains ni les doigts à terre, mais les tient tournés en dedans
et les doigts relevés, ce qui fait que la marche a lieu sur la partie
extérieure des doigts et que la pointe du pouce appuie à terre; les
pieds de derrière ont les doigts courbés intérieurement, de manière
à les poser à terre sur le côté extérieur, le talon seul touchant plat
à terre, tandis que les doigts recourbés appuient par leurs premières
phalanges. Voyez la pose naturelle de l’orang marchant à
terre dans la figure pl. 70 qui accompagne ce mémoire. Toutes les
figures représentant l’orang debout sur les pieds de derrière, ont
une pose forcée, contraire à la nature, comme il est également
faux que cet animal puisse se défendre contre l’homme avec aucune
arme offensive, tels que bâtons, branches ou pierres.
Comme la nourriture de l’orang est essentiellement frugivore il
s’ensuit que les lieux de sa demeure sont déterminés par l’abondance,
et la maturité des espèces de fruits auxquels il donne la préférence,
et que ce genre de vie le rend plus ou moins nomade;