tels sauvages faibles de corps, expo-
ses nus à l’inclémence des saisons et
manquant d’industrie pour s’y soustraire,
lâches d’esprit, cruels sans nécessité,
enclins à tous les vices, débordés,
mangeurs d’hommes, et cependant
on ne peut leur imputer à
crime les perpétuelles rapines où nous
les voyons s’exercer, puisqu’à peine ils
ont quelques notions du tien et du
mien.
L’Homme, étant de toutes les créatures
celle qui fut jetée sur la terre
avec le plus de besoins et le moins de
moyens d’y satisfaire, ne s’y fût pas
long-temps conservé si, dans sa faiblesse
même, il n’eût trouvé des incitations
puissantes pour sortir de sa
condition animale : il n’était pas couvert
d’un fourrure ; il devait se chercher
des vêtemens : il n avait ni serres
déchirantes, ni dents redoutables, ni
piquans , ni écailles ; il lui fallait trouver
au moins des moyens de défense :
ses pieds n’étaient protégés par aucun
ongle dur ; l’invention d’une chaussure
lui devenait, tôt ou tard, indispensable
pour entreprendre de longues
migrations. Lorsqu’après bien des siè -
clés de faiblesse et de nudité, il fut
parvenu à se fabriquer des habits, des
semelles et des armes, il n’eut encore
été qu’au niveau, tout au plus, des
Ours et des Solipèdes ; mais, excité
par sa faiblesse et son dénûment,
l’Homme n’eut cependant pu satisfaire
«à ses moindres besoins, qu’il n’eut
grandi sous la protection de celle qui
le mit au jour, et qu’il n’en eût conséquemment
reçu un genre d éducation