
sur ce qui reste à faire pour le perfectionner. Si l’on me
demande ensuite quels sont les motifs qui ont pu me porter
à consacrer un tems si considérable à une étude en apparence
si minucieuse et d’une utilité si éloignée ; je répondrai
q u e , depuis ma première jeunesse j’ai été entraîné vers l’étude
des plantes piir un goût irrésistible , soit que cette science
me séduisît par e lle -m êm e , soit qu’elle se trouvât liée à des
idées de voyages pédestres et de courses dans les montagnes,
si agréables à cet âge. La ville de G en èv e , ma patrie, est à
cet égard plus favorisée qu’aucune autre. De son heureuse
enceinte, on découvre une grande partie de la chaîne des
Alpes; le Mont-Blanc en particulier , qui s’y montre dans
toute sa hauteur , et l ’on peut dans-ffespace d’une journée ,
cueillir sur les montagnes les plus élevées, et rapporter dans
sa demeure, les végétaux les plus rares. C’est donc là que
mon penchant pour la botanique est né et s’est entretenu :
c est dans la vallée de Chamouni , à la première vue des
fleurs du menyanthe, qui firent sur moi une vive impression
'de plaisir , que je fis le voeu de consacrer mes loisirs à cette
étude si douce et si aimable; et depuis ce tems , c’e st-à -d ire ,
pendant fespace de vingt ann ée s,il s’est à peine écoulé un jour
0Ù j’aie manqué volontabement au voeu que j ’avais formé.
Dès que j’eus fait quelques progrès dans cette science, je
sentis que la nombreuse classe des cryptogames n’avait encore
été qu’entrevue , et qu’elle devait être plus particulièrement
l ’objet de fétude des botanistes. Les heureux travaux d’Hedwig
sur cette matière , me confirmèrent dans une opinion que
j’avais depuis long-temps embrassée, c’est que l ’Auteur de la nature
au beu d’avoir pourvu à la reproduction des cryptogames , avec
plus de négligence qu’à celle des autres végétaux , avait au
contraire extrêmement varié les formes de leur reproduction ,
et leur avait attribué des organes nouveaux. J’ambitionnai
donc le précieux avantage d’observer et de décrire quelquesuns
de ces genres obscurs, et mon choix“" flotta long-temps
entre diverses familles. J’avais d’abord entrepris l ’étude des
plantes parasites , lorsque l ’ouvrage d’Hoffman vint interrompre
le m ie n , et c’est en partant pour une course où je devais
rassembler des b chen s , que je découvris par hasard les graines
des conferves. Ainsi la fortune a mieux servi mes desseins ,
que ne l ’avait fait ma propre vo lon té, et j’ai obtenu tout à
coup d’elle , ce que je n’avais pas acquis par plusieurs
années de recherches.
Quoique c e . goût pour la botanique puisse être excusé
comme un délassement , cependant on peut considérer la
science des plantes comme ayant un but utile. Je ne l’envisage
pas ici sous le point de vue médicinal ou sous celui
de l’agriculture. La nécessité de cette science est trop évidente
dans ces cas pour qu’elle puisse être contestée. Mais, indépendamment
de ces usages gén éraux , elle a une foule d’avantages
perticuliers , qui se rencontrent à chaque pas ; par exemple,
l ’étude des conferves m’a présenté deux vérités fort importantes
en physiologie. L a première , c’est qu’il est des êtres q u i,
sans appartenir à la classe des animaux , et sans avoir de
mouvement, ont besoin de se réunir pour pouvob être féconds.