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N,° M C D L X X V I I I .
Le fquelette d’un nain.
L e nain dont on a tiré ce fquelette a été bien connu, parce
qu’il a p l i e la plus grande partie de fi vie à Lunéville dans Je
Palais du feu Roi de Pologne, Staniflas I , Duc de Lorraine 8c
de Bar ; & que M . le Comte de TrefTan a fait la relation de là v ie ,
dont je vais rapporter ici un extrait. II naquit dans les Vofges
au village dePlaifne le 1 1 Novembre 1 7 4 1 ; le père 8c la mère
étoient des payfans bien conftitués 8c allez forts pour travailler
à la terre: ils ont a (Tu ré que ce nain, au moment de fa naiflànce
pefoit à peine une livre & un quart. O n ne fait pas quelles
étoient alors les dimenfions de fon corps, mais on peut juger
qu’il étoit très-petit, parce qu’il fut préfenté fur une afiiette pour
être baptifé, 8c qu’il coucha dans un fabot pendant long-temps.
Sa bouche, quoique bien proportionnée au relie du corps n’étoit
pas alfez grande pour recevoir le mamelon de la mère ; il ne lui
fut p s poffible d’en tirer du lait, mais il parvint à teter une
chèvre qu’on lui donna pour nourrice, 8c qui en ht très-bien
les fondions ; elle accouroit d’elle-même à la voix de l’enfant.
II eut la p t ite vérole à lix mois, 8c il en guérit fins autres
fecours que les feins de fi mere 8c le lait de la chevre. Il
commença d’articuler quelques mots à l age de dix-huit mois.
A deux ans, il le foutenoit fur fes jambes, 8c il marchoit prelque
fins aide ; on lui fit alors des fouliers qui n’avoient que dix-huit
lignes de longueur. Il fut attaqué de plufieurs maladies graves,
dont il guérit ; mais la p t ite vérole fut la feule qui parût fur fi
peau. II n’eut jufqu’à l’âge de fix ans que des légumes, du lard
8c des pommes de terre pour alimens ; fon père 8c f i mère ne
pouvoient
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pouvoient lui donner que la nourriture grofhère & .l’éducation
indique des villageois des Vofges. Agé de fix ans, il n’avoit
qu’environ quinze pouces de hauteur, ■ & il 11e pefoit que treize
livres ; il étoit d une jolie figure, bien proportionné dans toutes
les parties du corps; il avoit une bonne fin té , mais fen intelligence
ne paffoit pas les bornes de l’inflinél. C e fut alors qqe l e
roi de Pologne ayant entendu parler de cet enfant fingulier, le
fit venir à Lunéville, lui donna le nom de Bébé ,8c le .garda
dans lôn Palais.
Bébé quittant f i dure condition d e p y f in p u r jouir de toutes
les commodités de la v ie , ,dans l ’abondance de toutes .choies,
11’éprouva aucun changement pour le corps ni pour l ’efprit. Il
conferva fi bonne finté jufqu’à l’âge d e quinze ou feize ans ; mais
1 accioiliement de Ipn corps fut aulfi lentqu’aeparavant, 8c il ne
put pas profiter de la bonne éducation qu’il étoit à portée de
recevoii, les,leçons de fis maîtres lui furent inutiles; il ne donna
jamais de preuves qu’il eût quelque notion de la religion, ni qu’il
fût capable de railônner; il ne pouvoit pas même apprendre fi
mufique ni danfir, il battait feulement quelques temps allez julle,
8c il ne dan (oit qu’autant que lôn maître dirigeoit fis pas 8c fis
niouvemens par des lignes : il étoit (iifieptible de pallions, telles
que le délit ardent,, fi colère Sc la jaloulie.
A l âge de,quinze ou feize ans, Bébé n’avoit que vingt-neuf
pouces de hauteur;, julqu’à ce temps, il n’y avoit eu aucun dérangement,
dans laccroilfement des différentes p itié s de lôn eoips;
mais alors :f i puberté produifit fer les organes de la génération
un tmpigrand effet qui caufi le dépérilfement du relie du corps :
«Les forces commençèrent bientôt à sepuifer, l’épine du dos fe
courba, fa tête fe penclta, fes jambes s’affoiblirent, une omoplate «
fe déjeta. , lôn nez groffu confidérablement ; Bébé perdit Ja rayeté «
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