
 
        
         
		dans  l’inaction  renfermés  dans des  gaines  où  ils sont garantis  contre  
 les atteintes des corps qui pourraient en émousser la pointe acérée (i ). 
 A  tous  lés  avantages  de  la  force  musculaire  dont  les  Félis  sont  
 doués,  vient  se joindre  celui  de  la  ruse  :  leur  attaque  est  toujours  
 imprévue.;  elle  a  lieu  le  plus  souvent  au  crépuscule,  mais  aussi  
 dans  le  silence  de  la  nuit.  S’ils  m’étaient en  même  temps  craintifs,  
 leurs  espèces  nombreuses  pourraient  devenir  un  fléau  destructeur  
 pour  le-genre humain ;  heureusement  la force irrésistible dont pourrait  
 disposer  leur  férocité  naturelle  est laissée  inactive  par  léur  ti-  ,  
 mide prudenee,  portée jusqu’à  la lâcheté.  Rien n’est moins Selon  la  
 vérité  que  cette  magnanimité  ,  la  noblesse  et  la  supériorité  de  
 courage du  Lion ;  le  caractère  indomptable,  cruel  et  sanguinaire  
 du  Tigre  royal  a  été  outré  :  l’un  et  l’autre,  de  même  que  tous  
 les  congénères  jusqu’aux  plus petits,  attaquent  par  surprise, :  soit  
 qu’ils  attendent  en  embuscade,  soit  qu’ils  se  glissent  dans l ’ombre  
 ou  rampent  à la clarté  du jour,  caché par  quelque  abri,  pour tomber  
 à l’improviste sur une victime long-temps épiée. Un mouvement  
 prompt -»et  brusque,  secondé  par  une  grande  force  musculaire,  
 leur  livre  le  plus  souvent,  du premier  saut,  la  proie  qu’ils  .guettent  
 :  si  elle  a  pu  se  soustraire  à  cette  première  tentative1,  son salut  
 est  assuré dans  la  fuite unar  les  Fe'lis,  par  l’extrême  flexibilité  de  
 leur  colonne  vertébrale,  sont  d’ailleurs  mal  organisés  pour  la  
 course  quoique  bien  pourvus  des  moyens  d’escalader  et  de  garder  
 l’équilibre  sur  les  surfaces  les  plus ^ étroites.  Leur  puissance  
 musculaire  se  montre  dans  toute  sa  force  lorsque,  pressés  par  la  
 faim,  et ne  pouvant  l’assouvir  sur  les  lieux  où  leur rapine  vient de  
 s’exercer,  ils  enlèvent  en un  instant des  corps du double  plus  lourds  
 qu’eux s  et disparaissent, même  lorsqu’une  rivière  paraîtrait  devoir  
 leur  opposer un  obstacle  insurmontable ;  ils  franchissent  des ravins  
 et sautent par dessus  les  barrières  sans  abandonner la proie  dont  ils  
 ontpu S’emparer. 
 ■p)  voÿez lès  détails  plus  circonstanciés de  leur  organisation, Cuv.,  Ossem.,Jô$‘s.,  nouv.  
 ■édil.-vol.  i-T, et  les articles  Chat dans le Dictionnaire classique  (VHist.Nat.,  tomf%.  , dans  
 celui  de Délerville,  tom.-6 , et.F.  Cuvier, Dents des Mammifères. 
 En  envisageant  cette  férocité  indomptable  des carnassiers  sous  le  
 point de  vue  de l’instinct  qui*fes pousse au  meurtre,  comment,  se  
 demande-t-on,  a-t-il été  possible de dompter ce naturel  farouche et  
 cette  soif du  sang? Ce n’est qu’en venant  au-devant  de  leurs  besoins  
 que  l’homme a pu parvenir  à  les donner en  spectacle  à  ses  semblables  
 -,  et  fournir  une  preuve  de  plus  à  l’appui  de  la  supériorité  des  
 moyens dont  il  a  été doué.  Le Tigre  royal  et  le  Jaguar,  réputés de  
 tous  les  temps  comme  les  plus  farouches  des  carnassiers,  ont  dû  
 subir  son joug;  et  ces  animaux,  qui inspirent la  terreur,  ont abandonné  
 leur naturel ,  et se  sont  pliés- à  la  volonté  puissante  qui  les  a  
 dominés.  Des  tentatives  nombreuses  nous  servent  de  preuve  :  le  
 Lion  en  avait  fourni  plus d’un  exemple,  dont  le  plus  remarquable  
 est  celui de  cet amiral turc,  plus  cruel  et plus  sanguinaire que  son  
 gardien  fidèle, -qui, ayant perdu toute sécurité au milieu de ses semblables, 
  s’abandonnait avec confiance à la  garde de son Lion,  lorsqu’il  
 voulait’goûter  lës douceurs  du  repos  ( i).  C’est dans  les espèces des  
 carnassiers  si nombreux  et  si  redoutables  à l’espèce humaine  dans  
 l’Inde,  que; le  paisible  et  pusillanime  habitant  des  ces  contrées  a  
 choisi  un  Félis  qu’il dressa  à  la chasse  (2).  Il  est  vrai que  ce Chat,  
 le  Guépard,  ou  Felis jubata  des  naturalistes,  présente  une modification  
 nouvelle  par  ses  ongles,  qui  ne  sont  ni  rétractiles  ni  
 propres  à  déchirer.  Quoique  dépourvu  de  ces  armes,  plus  dangereuses  
 encore  que  les  dents,  il  n’en  a pas moins  toutes  les  autres  
 facultés  organiques  des  Félis ;  et  l’Hindou,  superstitieux,  a  sans  
 doute  été  long-temps retenu à  s’associer,  pour  ses  besoins, un  être 
 (1) Pline dit qu’Hannoii, célèbre Carthaginois,  osa  le premier manier un  Lion et le montrer  
 apprivoisé.  Il  fut  banni  pour  celle  seule  cause.  On  pensa qu’un  homme  aussi  adroit  
 était capable de tout persuader, et que la liberté serait mal  confiée à  qui maîtrisait à  ce point  
 la férocité même. 
 (2) Il paraît que les Persans emploient le même animal, si  toutefois leur  Youze  ou Dyious,  
 est  de  la  même  espèce  que  le  Chiltah  des  Hindous  que  nous  savons  être  notie  Guépard,  
 et si  ce Youze  n’est pas plutôt  le  Léopard,  vu  que  les  peaux  de  Léopards  de  Perse  font  
 un  objet de  commerce. Marc-Paul,  cité par M.  Cuvier,  dit  que les  Tartares  de  son  temps  
 employaient  le  Tigre royal à  la chasse;  et  feu Olivier  a  assuré à M.  Cuvier qu’en  certaines  
 provinces  de  Perse  on  se  sert  d’une  petite espèce qu’il  n’a pu  déterminer;  enfin  Charleton  
 et Buffon  disent  qu’aux  Indes  on  y emploie le Caracal.