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jugeai l’individu parvenu à l’âge moyen, car il ne lui restait plus
que deux incisives bilobées placées en avant du talon des canines de
la mâchoire inférieure ; les deux grandes incisives supérieures, étaient
parvenues à l’état de développement dans lequel elles exercent la
détrition sur le talon des canines inférieures. Je trouvai, nonobstant
cette preuve certaine de l’âge plus avancé du sujet mentionne, une
troisième dent latérale, extrêmement fine, usée, transparente et
placée du côté droit ; tandis que la quatrième dent du côté oppose
n’existait plus ; la mâchoire ne présentait aucun vestige alvéolaire ;
la fine dent latérale se trouvait en contact par sa pointe avec la
pointe de la canine correspondante de la mâchoire inférieure, dont
le développement devait infailliblement la faire céder et tomber de
son alvéole.
Cette nouvelle observation sert à faire préjuger une formule
dentaire semblable dans tous les Molosses, et rend le caractère pris
du nombre de leurs incisives encore plus variable, puisqu’elles peuvent
varier de A à a. Je n’ai jamais eu l’occasion d’examiner un
jeune Molosse peu de temps après la naissance, lorsqu’il est pourvu
des premières dents de lait ; et je répète l’observation faite, que
dans le grand nombre des individus soumis à l’examen, je nai
pu trouver dans les formes extérieures de ces animaux aucune différence
bien marquée, propre à servir d’indice pour juger de 1 état
anomal des dents incisives.
Les naturalistes ne laisseront pas sans doute échapper le fil de
ces observations. Les voyageurs sont invités de rassembler le plus
grand nombre possible d’individus clans tous les périodes de Page ,
afin de pouvoir vérifier la dentition sur tous les genres de l’ordre
des Chéiroptères. Nous publierons sous peu le résultat des observations
recueillies à cet égard dans les genres Cephalote , Taphien,
Mégaderme, Phillostome, Vesperlilion et Njcticée.
Les observations fournies dans ce mémoire sur les Molosses
peuvent, ce me semble, être de quelque utilité aux naturalistes
qui mettent un trop grand empressement à former des genres
nouveaux, et à subdiviser les anciens groupes sans avoir.fait subir
DE MAMMALOGIE. 217
aux espèces une révision minutieuse (1). Les critiques qu’on a
bien voulu m’adresser dans différens écrits , sur ma réserve à
adopter une multitude de coupes nouvelles qui se suivent et se
succèdent de nos jours avec une rare rapidité, n’ont rien changé à
ma manière de voir ; j’ai pris la ferme résolution de suivre la route
que je me suis tracée, de marcher à pas comptés et guidé par des
observations souvent renouvelées. Je ne répondrai point à quelques
critiques en récriminant, par le moyen d’une longue discussion ;
les faits leur sont offerts , et ils sont invités à renouveler mes
observations % afin de constater le degré de confiance que mes
recherches peuvent mériter. Je n’ai nul regret de me ranger en
dernière ligne vers le but où tendent nos travaux communs , mon
nom sera plus rarement inscrit en tête d’une coupe générique ; ceux
qui n’auront eu d’autre travail que d’inventer un nom grec sonore,
pour désigner une section faite, qu’ils érigent en genre (2), peuvent
jouir de ce nouveau genre d’honneur. Le motif qui me porte a
témoigner quelque regret de ce mouvement trop précipité, doit
être attribué à la rapidité avec laquelle l’erreur passe dans les
ouvrages de pure compilation, circule partout et obtient trop légèrement
la sanction. M. F. Cuvier a raison de dire « que de toutes
les opérations de l’esprit, l’établissement des erreurs est la plus
(1) Il aie serait presque échappé de dire sans connaître les,.espèces : car peut-on connaître'
un animal lorsque , pour tout moyen de recherche, on n’a qu’un seul individu, qu'une dépouille
i sa portée, et que lefc caractères ostéologrquès n’ont point été examinés? L’histoire
naturelle ressemble à une arène ; on s’y lance avec impétuosité,. on semble craindre d arriver
trop tard pour prendre date d’une découverte.
(2) On cite souvent, en ornithologie, telle analyse ou telle méthode, sans faire attention
que le plus grand nombre des coupes qui s’y trouvent inscrites portent une date antérieure à
ces écrits. Par exemple , la plupart des coupes, faites de main de maître, par Levaillant, n ont
coûté aucune peine à ceux qui les. ont érigées en genres. Toute leur science, portée si haut ,
s’est bornée à former, ou à faire composer, par quelque helléniste,. la dénomination générique
prise de racine grecque ou latine. M. Yigors n a peut-etre pas fait attention à la date de la publication
de mon histoire des Gallinacés; elle est de i8 i3 : les noms qu il veut faire prévaloir-
ont été proposés sous une forme différente en 1818. Je ne fais cette remarque, très-insignifiante
, quewpour l’acquit de la conscience de M. Yigors, qui fait preuve, dans tous, scs-écrits.*
d’une impartialité bien louable , et d’un talent très-distingué.