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s’attendre avec certitude à^traverser bien des
pays montueux sans pouvoir en graver l’image
dans son cerveau; on sera obligé de renoncer
à gravir mainte montagne, parce que ce seroit
peine perdue ; mainte vue superbe , maint spectacle
sublime demeureront cachés aux yeux
d’un voyageur ainsi pressé par le temps, et il
pourra s’estimer heureux si ces fâcheux mécomptes
ne viennent pas le troubler au milieu
des régions les plus intéressantes, Pour parvenir
a se former une idée juste de toutes les
contrées de la Suisse, et profiter de toutes les
beautés que la nature y déploie, il faut prendre
ses dimensions de telle sorte que l’on ne soit pas
obligé d’avoir terminé son voyage au bout d’un
tems fixé dans d’étroites limites, afin de pouvoir
s’arrêter toutes les fois qu’il survient du mauvais
tems et rester dans le lieu ou l’on se trouve
jusqu’à ce que le ciél entièrement éclairci permet
de nouveau à l’oeil de discerner toutes les
montagnes, et rende à la nature ses plus brillantes
couleurs. Il est vrai qu’il ne faudroit
pas moins de deux étés pour faire tout le tour
de la Suisse en voyageant de cette manière.
Mais si l’on veut se contenter de parcourir
les contrées les plus intéressantes, rien n’empêche
que l’on ne choisisse le séjour des différentes
villes , pour y attendre le retour du beau
tems, et sur ce pied-là l’espace d’un été sera
plus que suffisant pour visiter tout ce qu’il y a
de plus remarquable dans ce pays-là.
Quant à ceux qui non content d’admirer les
merveilles »de la nature , trouvent au moins autant
d’intérêt à observer tout ce que les habitans
[offrent de particulier, et qui désirent de se
[former une idée précise de l’état politique, civil
¡et moral de toutes les diverses peuplades indépendantes
dont la Suisse est composée ; ils
¡seront obligés de consacrer plusieurs années à
[cette étude, tant les divers objets qui appelle-
front leur attention sont nombreux et variés. La
[meilleure manière d’atteindre ce but seroit, à
[mon avis, d’aller passer quelque tems dans le
[chef-lieu de chaque Canton, d’où il faudroit faire
[de nombreuses excursions dans toutes lespartîes
[du pays. Ce n’est guère qu’en suivant cette
¡marche que l’on pourroit parvenir à se procurer
[la connoissance exacte et complette de tout ce
[que .ce pays offre de remarquable.
D’après ces diverses considérations je con-
[seillerois à un voyageur qui ne pourroit passer
¡que trois ou quatre mois en Suisse, de restreindre
[son plan de route uniquement aux contrées les
I plus intéressantes, afin de gagner le tems né-
[cessaire pour faire quelque petit séjour dans
[divers endroits, ce qui est indispensable pour
[ étudier un peu les habitudes et le genre de vie
[ des habitans , objets qui ne peuvent guère .être
Jindifférens à un voyageur sensé. Pour moi, je
[n’ai jamais pu concevoir quel plaisir on peut
[ trouver à ne voir pour ainsi dire que les grands
| chemins et les hôtelleries d’un pays que l’on
I traverse, sans y faire connoissance avec qui 1 que ce soit, et sans y pa'rler à personne d’autres