IV. S e c t io n .
immensité, Ton voit la nature assise sur son
trône impérissable. Placé sur les créneaux
aériens des hautes tours que sa main a élevées
jusques dans les nuées, l’homme se sent délivré
de tous les soucis, de tous les chagrins et de
toutes les foiblesses de ses Semblables, dont le
tumulte et les passions resserrées dans les vallées
lointaines et profondes ne sauroient plus l’atteindre.
Parcourant des yeux un chaos de
rochers gigantesques et de débris épars, l’esprit
exalte croit planer sur un monde, et voir les
innombrables témoins des antiques destinées de
la terre dérouler devant lui les annales de la
nature. Le silence éternel de ces régions élevées
dispose l’ame aux sentimens les plus profonds
et les plus solemnels. Là rien ne trouble
ses méditations sérieuses sur l’éternité, et sur
ces instans .courts et rapides que l’on nomme
vie de Phomme, et durée des peuples; Ah ! comme
toutes ces grandeurs imaginaires qui attirent
ailleurs les yeux et les désirs des mortels insensés,
dîsparoissent devant lui, semblables
aux plus vains des songes! combien il trouve
déplorable le sort de son espèce, occupée sans
cesse a faire son propre tourment !
C’est encore là que l’ame s’élance avec transport
dans les espaces de l’infini. Les pensées
les plus sublimes, les sentimens les plus nobles
se réunissent pour porter de concert la paix et
le bonheur dans l’ame ; une inspiration nouvelle
et inconnue vient consacrer toutes ses facultés
au culte de la vertu, qui seule est le vrai bien,
fet la vraie grandeur de tout être pensant. Non !
fee n’est que dans la solitude d’une nature sublime
Lue l’homme se retrouve dans toute sa dignité
Ërimitive ; ce ffest que là qu’on voit éciorre et
fleurir les résolutions les plus généreuses dont
l’humanité puisse s’honorer ; ce n est que la que
l ’esprit s’élève à cette hauteur , à cette noblesse
de sentiment qui pénétré son coeur d une paix
ineffable. Les méditations utiles dé la sagesse
Vont pas de temple plus respectable que les
’Alpes qui s'emblent nous rapprocher des cieux,
y et c’est à ce temple que tout homme qui regarde
le développement et l’ennoblissement de ses
•.facultés morales comme le but de ¿on existence,
set son plus précieux trésor, devroit apporter
son enefens et ses offrandes,
p. Si la nature et les productions des Alpes sont
Ioriginales et remarquables, le caractère et les
¡institutions politiques de leurs habitans ne le
¡sont pas moins. Convaincus que les hommes sont
l nés pour l’ordre et non pour la servitude; quils
! doivent élire leurs magistrats, mais non ramper sous
| des maîtres *), les Suisses ont fait de l’égalite
I des droits civils le fondement de toutes leurs
[ constitutions, et mis le choix de toutes les
[ autorités entre les mains des citoyens. Dans
quelques-uns de leurs cantons le peuple exerce
? même immédiatement le droit de la Souveraineté.
• Là on ne voit ni maîtres, ni esclaves ; ni castes
‘0 Telles sont les propres expressions des Appenzellois
au commencement du X V . siècle. »