brasse la Suisse entière. D’ailleurs le plus grand
nombre de ces écrits se ressentent de la rapidité
avec laquelle leurs auteurs ont voyagé, en tra*
versant pendant le court espace d’un ou deux
mois tout autant de pays que le tems et les autres
circonstances le leur permettoient, et sans s’arrêter
nulle part plus de quelques jours. sOn voit
assez qu’en s’y prennatit ainsi il est de toute impossibilité
d’observer commodément les objets,
de répéter ses observations, de s’assurer de leur
exactitude et de les comparer entre elles. Ceux
qui se contentent d’esquisser le tableau pittoresque
des objets naturels peuvent du moins
rester dans les bornes de la vérité quant à l’impression
individuelle que ces objets font sur
eu x ; la variété des sensations, les diverses
manières de voir les choses, et le talent de
décrire et de peindre les grandes scènes de la
nature réparti avec tant d’inégalité entre ceux
qui s’en occupent, donnent lieu à de grandes
diversités alors même que plusieurs auteurs
s’occupent d?un seul et même objet , de sorte
que dans ce genre le dernier venu peut encore
être neuf et captiver l’attention et l’intérêt de
ses lecteurs. Mais il est une quantité de voyageurs
qui, après avoir passé un petit nombre
de semaines à parcourir des centaines de villes,
de villages et de contrées diverses , se croient
en état de communiquer à la curiosité du public
leurs observations superficielles sur l’état civil,
politique , économique et moral de tous les
peuples de la Suisse, lesquels, comme on sait,
diffèrent entre eux sous tant de rapports. Telle
est la raison pour laquelle les nombreux écrits
publiés sur ce pays-là renferment si peu de
détails vrais, exacts et utiles, noyés pour la
plupart dans un fatras de jugeméns partiels,
louches ou complettement destitués de vérité.
Mais si l’on demande quel est le genre de
voyages dont l’étranger qui veut parcourir la
Suisse peut se promettre le plus d’utilité, nous
répondrons que ce ne sont nullement ceux qui
se bornent principalement à des descriptions
pittoresques. Quel que puisse être le talent de
leurs auteurs, ces sortes de livres ne serviront
de rien à ceux qui veulent voir par eux-mêmes.
Car ils ne font le plus souvent que de suggérer
à l’esprît des images fausses ou exagérées qui
ne peuvent que troubler l’effet que doivent
produite les objets naturels sur ceux qui les
contemplent, en affaiblissant ou en dénaturant
les impressions que ces objets auroient faites sur
eux si leur imagination n’eût été préoccupée.
Chacun a sa manière propre de voir et de sentir.
Ainsi le mieux, c’est de copserver pur et intact
le miroir sur lequel tous les objets doivent se
peindre; de cette manière chacun pourra se
rendre un compte exact des setisatioPs qu’il
éprouvera, et des diverses impressions que la
natqre fera sur son ame. A coup sûr, on goûtera
ainsi un plaisir plus pur et plus entier qu’en
suivant la marche inverse , et au retour de son
voyage on lira les descriptions que d’autres ont
publiées des .divers objets qu’on aura contemplés