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une seule espèce des Chiens à doigts velus et de différentes couleurs, que les naturalistes
ont désignés jusqu’à ce jour sous le nom commun d’isatis ou de Canis
Lagopus. C a r , à l’exception du Loup commun, qui donne accidentellement des
Loups noirs, lesquels ne sont pas rares, il n’est aucune espèce de cette famille,
ni parmi les Loups, ni parmi les Renards, qui ait donné naissance à une variété
constante, présentant avec son espèce des différences aussi grandes que le sont
celles des trois Isatis qui nous ont conduits aux réflexions qu’on vient de lire.
Les faits qui concernent ces animaux sont en trop petit nombre pour que j arrête
définitivement mon opinion sur les Isatis noirs en été, qui paraissent habiter de
préférence les îles Alleutiennes; mais je ne balance pas un moment à considérer
comme spécifiques les caractères de l’Isatis qui reste gris en hiver comme en e te ,
et qui doit faire plus particulièrement l’objet de cet article.
Cet Isatis a un caractère important, et qui paraît lui être commun avec les deux
autres, par lequel il se distingue également des deux genres principaux qui composent
la famille des Chiens, celui des Loups et celui des Renards. Ce caractère consiste
dans les formes et dans les proportions de sa tête. Chez les Loups, le front est
aplati, et le museau est long et large ; chez les Renards, le front est un peu bombé,
et le museau long et étroit ; chez l’Isatis, le front approche pour l’aplatisssement
de' celui des Loups, mais le museau est beaucoup plus court que celui des Loups
et des Renards, et est presque aussi étroit que celui de ces derniers. Ces particularités
donnent aux Isatis une physionomie particulière;, q n ’ o n à crue se retrouver
dans celle du Chien de Poméranie, parce qu’on ne s’arrêtait qu’à la petitesse du
museau de cette race, et qu’on négligeait l’observation du crâne, un des plus développés
de ceux des Chiens domestiques, et qui unit intimement cette variété à celle
des Epagneuls. Cette brièveté du museau de l’Isatis n’apporte cependant aucun
changement dans le nombre des dents, seulement les fausses molaires sont un peu
plus rapprochées l ’une de l’autre que dans les espèces à longs museaux.
L ’Isatis gris que nous avons sous les yeux avait à peu près dix-huit à vingt pouces
de longueur, du bout du museau à l’origine de la queue; celle-ci avait environ di£
pouces, et la hauteur moyenne de l’animal était d’un pied.
Son pelage, long, épais, cotonneux sur tout le corps, à l’exception du museau et
des membres, était uniformément d’un gris foncé, légèrement teint de fauve. Un
peu de blanc se voyait à l’extrémité de la lèvre supérieure.
Il était sauvage et très-défiant ; les bons traitemens ne l’ont encore que faiblement
modifié à cet égard; ceux qui le nourrissent lui inspirent de la crainte quand ils
s’approchent de lui, et il les menace par un c r i, en suivant de l’oeil tous leurs mou-
vemens.
Cette espèce n’a point encore fait, que je sache, le sujet d’observations particulières
, quant à ses moeurs dans l’état sauvage. Il est néanmoins à présumer qu’à cet
égard, comme sous le rapport de l’organisation, elle a de la ressemblance avec l’Isatis
proprement d it , qui montre un naturel très-différent, suivant qu’il se trouve dans
des contrées habitées comme l’ Islande, certaines parties de la Sibérie, ou dans des
contrées sauvages comme les Alleutiennes; mais qui, partout, vit en troupe, se
creuse des terriers, et se reproduit en grande abondance.
Nous n’entrerons cependant sur ces différens points dans aucun détail, à cause
de la crainte d’attribuer à une espèce des caractères qui appartiendraient essentiellement
à une autre.
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La fourrure de *i’Isatis gris, épaisse, douce et légère, fait un objet de commerce
comme celle des autres Isatis.
Il n’est aucun auteur qui, ayant parlé originalement de l’Isatis à poils blancs d’hiv
er , n’ait indiqué l’Isatis à poils constamment gris. Gmelin le voyageur, qui le premier
a donné une description détaillée de l’Isatis blanc, avait en sa possession un
Isatis gris femelle, et il nous apprend même que les chasseurs regardaient ces animaux
comme appartenant à deux espèces (Nouv. Comment, de VAcad. de Pétersb.,
t. v, p. 358). Linnæus, dans sa Fauve de Suède, indique cet Isatis à poils gris. Il en
est de même de Pallas, dans sa Fauve de Russie, et M. Tillasius ( Curios, de la
N at. , t. x i, 2e partie ) a imité ses prédécesseurs en nous parlant de cet Isatis
comme d’une variété du premier.
Cette variété supposée a reçu, dans les catalogues méthodiques, le nom de
Coerulescens, qui pourra lui être conservé comme nom spécifique.