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cription un peu détaillée qu’on en ait; et M. Lesson a copié cette description
en rangeant ce Dauphin dans son genre globicéphale ( Complément des OEuvres
de Buffbn, Cétacés, pag. 208 ).
La nouvelle figure que nous en donnons aujourd’hui nous a été communiquée
par notre ami M. Laurillard, qui l’a dessinée avec l’exactitude qui a toujours caractérisé
ses travaux, d’après un individu échoué avec plusieurs autres près de Nice
en 1829, où il se trouvait; et c’est l’histoire même qu’il a faite des individus
qu’il a eu occasion d’observer, qui accompagnera la figure dont il a bien voulu
enrichir notre ouvrage ; seulement nous dirons d’abord que ces Dauphins de
Risso, mâles et femelles, avaient environ neuf pieds de la partie antérieure de la
tête à l’origine de la nageoire caudale. Leur largeur, dans la partie la plus épaisse
du corps, était à peu près de deux pieds. La tête avait dix-huit pouces et demi de
longueur et la nageoire caudale, de son origine à une ligne fictive réunissant ses
deux pointes, neuf pouces. Nous allons actuellement laisser parler M. Laurillard.
« En 1829, l’un des premiers jours de juin, une troupe de Dauphins entra dans
la baie de Saint-Jean, où se trouve la madrague, filet à prendre les Thons. Ces
animaux, qui semblaient joûter d’adresse et de légèreté, sautaient les uns pardessus
les autres absolument comme des nageurs qui se donnent des passades. Ils
se tenaient souvent pendant dix à quinze minutes dans une situation verticale, la
queue et 1 e tiers postérieur du corps hors de l’eau, paraissant épier ce qui se passait
dans les profondeurs de la mer, ou guettant ainsi probablement leur proie. Ces Dauphins,
comme les Marsouins, quand ils nageaient à la surface des flots, ne laissaient
voir leur corps qu’en trois temps : d’abord on aperçoit la tête, puis elle disparaît
et c’est le dos qui se montre, lequel, disparaissant à son tour, fait place à
la queue. On dirait quey pk>yésrèn' -arc-; rts -avancent en pirouettant. Dans leurs
mouvemens variés et rapides, ils paraissent peuatténtîfs a ce qui se passe au-dessus
des flots ; car je m’en suis approché à vingt pieds sans qu’ils aient paru s’apercevoir
du bateau qui me portait.
« Le lendemain, on trouva toute la troupe engagée dans les filets de la madrague;
alors les pêcheurs se plaçant derrière eu x, les poussèrent dans la partie de
ce filet qu'on appelle la chambre des morts, d’où quelques uns cependant parvinrent
à s’échapper ; mais—cB-ne-fiitu qu’à -force de i r a s , de cordages, de leviers,
qu’on parvint à s’emparer des onze individus qui restaient.
« Pour cet effet, on souleva successivement le filet de manière à restreindre
graduellement l’espace où ils se trouvaient et à les amener ainsi près des bateaux pour
les y pousser ou les y jeter ensuite. Tant qu’ils purent se mouvoir librement, ils
ne manifestèrent aucune crainte ; mais, dès qu’ils sentirent de la gêne, ils s’agitèrent
avec inquiétude, et en frappant l’eau de leur queue avec une telle violence
que les bateaux en étaient inondés. On aurait dit de fortes lames d’une mer houleuse.
Cependant les pêcheurs , redoublant d’efforts, finirent par soulever les
filets, et dès que ces animaux n’eurent plus suffisamment d’eau, ils tombèrent sur
le côté comme des masses inertes. Quelques uns vécurent pendant vingt-quatre
heures. Il manisfestaient de temps en temps leur existence par des inspirations qui
ressemblaient à un soupir profond et douloureux, et quelquefois aussi par un
mouvement ondulatoire de la queue tellement puissant, que l’un d’eux renversa
trois hommes et les jeta à quelque distance.
« La couleur de ces Dauphins différait suivant les sexes. Celle qui faisait le fond
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de la peau des femelles était un brun uniforme; les mâles, au contraire, étaient
généralement d’un blanc bleuâtre; mais ce qui caractérisait les uns et les autres,
c’étaient les singulières lignes semées irrégulièrement sur toutes les parties supérieures
du corps1, et qui ressemblaient, au premier coup d’oeil, à des égratignures
produites par des épines. Ces lignes, vues de près, se composaient de traces plus
claires que le fond de la peau et bordées d’une multitude de petites lignes perpendiculaires
d’un brun foncé. De plus, les mâles, comme le montre la figure que
nous donnons, avaient des taches irrégulières d’un brun très-foncé sous la moitié
postérieure du corps, et les nageoires avaient la même couleur; mais la dorsale et
la pectorale se trouvaient de plus ornées de lignes blanches. Deux lignes brunes
garnissent le dessus et le dessous de la bouche, et un cercle de même couleur
entoure l’oeil.
« Ces animaux sont sujets à perdre leurs dents, et surtout celles de la mâchoire
supérieure; aussi n’en connaît-on pas le nombre normal. Leur forme est sem-
blable à celle des dents de Dauphin. »
C est le nom latinise de Risso que ce Dauphin devra donc recevoir dans les catalogues
méthodiques.