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à son édition de Bontius (page 6 1 ) , donne une mauvaise figure et une fausse description
du Babiroussa et de la tête osseuse de cet animal, où l’on ne trouve presque
rien de vrai que l’indication de sa patrie; mais le titre du recueil de Pison reproduit
la figure donnée par Cosmas. Thomas Bartholin donne aussi une figure du Babiroussa
et de sa tête osseuse (ffist. anat. etméd. cent. II, hist. 96, §g. ibid., etc.) '
C est Valentin qui, le premier, a publié une assez bonne histoire du Babiroussa, nom
qu il écrit Babi-Rosea ; mais la figure qu’il joint à sa description est fort défectueuse (Des-
cript. des Indes orient, t. III, p. 262, fig. C). Seba (vol. I, p. 80, pl. 5o, fig. a et 3)a aussi
fait représenter le Babiroussa et sa tête osseuse; mais lafigurede l’animal n’est, point
exacte; sa tête surtout-est tout-à-fait, méconnaissable. Depuis, Pennant (Hist. of
Quad. p. i 34, pl. i 4),Buffon (t. X, p. 36g, et supp. t. III, p. 9 1, pl. 12), Shaw, (Gen.
zool. vol. II, part. 3, p. 467, pl. 224), ont donné des figures de cette espèce qui sont
venues confirmer et rectifier en partie l’idée qu’on s’en était faite par les figuresprécé-
dentes; mais îlsn’ontnenajoutéà son histoire, et se sont bornés à donner des extraits
plus ou moins étendus de Valentin. Hous devons même dire, d’après Bufifon, que
la figure, qui se trouve dans ses sTippféinens,ost en partie artificielle, ayant été composée
au moyen d’un dessin du Babiroussa couché qu’il reçut errcommunication de
Pennant, vraisemblablement celle que ce dernier a publiée, et d’un autre dessin
où 1 animal était debout, que Bufifon obtint de Sonnerat; néanmoins, à l’exception
des jambes, qui sont un peu trop hautes, cette figure est assez fidèle.
Les deux individus donnés à la ménagerie du roi ont été publiés par M. Qüoy,
médecin de l’Astrolabe (voyage de l’Astrolabe, zoologie, t. I, p. 126, pl. 22 et 23).
M. Dumont d’Urville avait obtenu ces animaux de la générosité de M. Merkus
gouverneur hollandais des Molüques ; et, grâce aux soins particuliers qui leur furent
donnés à hord, ils arrivèrent en France dans le meilleur état. Ce fut en juillet 1829
que nous les reçûmes; le 10 février i 83o , la femelle mit au monde le jeune mâle
dont nous avons donné la figure, lequel mourut en décembre i 83i . La femelle
mourut en 183a , et le mâle l’année suivante. Ces trois animaux ont succombé à la
maladie, toujours mortelle, qui, dans notre climat, atteint presque tous les animaux
des pays chauds : la phthisîe ¡pulmonaire. Leurs poumons étaient remplis de tubercules
en suppuration ; et cependant tous les moyens possibles avaient été mis en usage
pour prévenir ou retarder au moins l’invasion de cette funeste maladie.
Le mâle était fort âgé ; son obésité le rendait lourd et inactif; il passait sa vie à
dormir caché sous sa litière, et ne semblait se réveiller que pourboire et manger;
la femelle, plus jeune et plus vive, était moins grasse et ne dormait pas d’un sommeil
aussi profond; mais autant le premier était paisible et inoffensif, autant celle-ci
était irritable et hostile à tous ceux qu’elle ne connaissait pas. Ces animaux vivaient
dans la plus parfaite intelligence. Dans l’état sauvage, ils se réunissent incontestablement
par paires. Leurs dispositions instinctives en sont une preuve manifeste. Le
besoin très-grand que nos animaux avaient de se coucher faisait que chaque jour on
leur donnait une très-épaisse litière, sur un plancher élevé de quelques pouces au-
dessus du sol, et dans une étendue circonscrite, afin qu’elle ne se dispersât pas
par leurs mouvemens. Lorsque le mâle voulait se reposer, il venait se coucher sur
cette litière; aussitôt, et toujours, la femelle arrivait, saisissait successivement avec sa
bouche cette litière et en couvrait ce mâle de manière à le soustraire entièrement
à la vue; et si le repos lui était aussi nécessaire, elle se glissait sous la litière restante
de manière aussi à ne pouvoir être aperçue. Ces soins instinctifs, commandés par la
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nature à la femelle envers son mâle, ne permettent pas de douter que l’instinct de la
sociabilité ne les accompagne. La nature, toujours conséquente dans ses oeuvres,
n’a pas imposé vainement un besoin à un animal; et celui que, dans la circonstance
que nous venons de rappeler, manifeste la femelle du Babiroussa, serait inutile et
sans-but si elle avait été destinée à vivre solitaire. Cet instinct a aussi pour objet de
soustraire ces animaux à leurs ennemis, et c’est le seul exemple de ce genre que
nous connaissions.
Ces animaux n’ont point eu occasion de nous faire connaître autrement les pen-
chans naturels qui leur seraient spécialement propres. La nécessité de leur conservation,
et le peu de moyens qui nous, sont donnés pour soumettre les animaux à des
expériences, en variant leur situation, ont dû imposer des bornes fort étroites à nos
recherches et restreindre nos observations à celles qui nous ont été offertes par
le hasard.
Malgré l’état de santé de nos Babiroussas, nous eûmes d’abord lieu de craindre
qu’ils ne se reproduisissent pas. La pesanteur et l’inactivité du mâle justifiaient ces
craintes, d’autant plus que les tentatives qu’il faisait de temps à autre pour couvrir
sa femelle paraissaient toujours n’aboutir à rien. Cependant, un jour, le 10 de février
i 83o, au moment où le garçon qui soignait ces animaux entra dans leur écurie, la
femelle furieuse lui sauta à la figure et le poursuivit jusqu’à ce qu’il se fût soustrait
à ses atteintes. Pendantcette lutte, on entendit un léger cri sortir de dessous la litière,
ce qui fit soupçonner la naissance, d’un petit que l’on découvrit en effet en tenant
la femelle éloignée et en écartant la paille qui le couvrait. Ce jeune animal avait à
peine six à huit pouces de longueur; il était n u , mais tous ses sens étaient ouverts
et il marchait. Pendant plusieurs semaines la femelle ne permit pas qu’on approchât
de son petit, qu’elle tenait toujours caché, qu’elle surveillait avec la plus grande
sollicitude et qu’elle nourrissait avec le plus grand soin. Le mâle continua à vivre
en paix aveç la femelle, mais il ne prit aucun soin du jeune qui bientôt se montra
en suivant sa mère. A six semaines, ce jeune animal avait environ quinze pouces de
hauteur ; et à l’époque de sa mort, c’est-à-dire à vingt-deux mois, sa hauteur était
de seize à dix-sept pouces. Il avait les mêmes proportions que sa mère, mais, étant
moins gros, il paraissait plus élevé sur ses jambes, et ses canines supérieures ne se
voyaient point encore en dehors, mais se montraient par la saillie qu’elles imprimaient
à la peau à l’endroit où elles devaient la percer.
Ces animaux n’avaient qu’un très-petit nombre de poils sur leur corps, et ces
poils étaient des soies longues et dures. Leur peau, à bien dire, était nue et leur
couleur était uniformément d’un gris cendré qui prenait une teinte fauve aux parties
inférieures du corps. Les défenses du mâle étaient des dents longues et assez minces;
elles ne sont point, à beaucoup près, aussi dangereuses que celles des Sangliers,
surtout dans les vieux individus. Les supérieures, comme nous l’avons dit, percent
la peau, et se recourbent contre le front qu’elles atteignent et entament quelquefois.
La femelle a aussi des dents canines supérieures qui percent la peau, mais
elles se montrent à peine au dehors de quelques lignes et ne sont point un moyen
de défense pour elle ; aussi ne s’en sert-elle point : c’est en mordant qu’elle attaque.
Les incisives des Babiroussas diffèrent de celles des Sangliers, en ce qu’elles ne
sont qu’au nombre de quatre à la mâchoire supérieure ; et au lieu de quatorze
mâchelières à chaque mâchoire, comme ces derniers animaux, les premiers n’en ont
que d ix, mais elles ont la même structure chez les uns et chez les autres, et la