GERBO FEMELLE
L es animaux qui offrent des particularités singulières sont toujours ceux qui ont fixé
le plus l’attention des observateurs, et sur lesquels ordinairement on a le plus écrit ;
mais trop souvent on ne fait alors que répéter les mêmes observations, que décrire
les seuls organes dont la structure paraît extraordinaire ; de sorte que pour avoir
été vus et remarqués très-fréquemment, ces animaux n’en sont pas pour cela mieux
connus. La Gerboise dont nous donnons la figure a long-temps été dans ce cas ; il
est peu d’espèces de rongeurs dont plus de voyageurs et de naturalistes aient parlé,
et jusqu’à ces derniers temps on est résté incertain sur sa nature et sur ses rapports
avec les autres rongeurs à longues jambes postérieures.
Les anciens ont probablement connu le Gerbo, qui est commun en Barbarie, en
Egypte, en Syrie, sous le nom de Rat dipodes (à deux pieds), qui se servent de
leurs pieds de devant comme de mains, et ne marchent que sur ceux de derrière
(Hérodote, Aristote, Ælien, Photius), car le Gerbo est jusqu’à présent le seul
rongeur de ces contrées qui présente ces caractères.
Il est connu des modernes depuis que Corneille Le Bruyn (Voy. in-fol. Delft.,
1692) l’ayant trouvé à Venise, sous le nom de Gerbo, en publia une figure et une
description superficielles. Paul Lucas (2e Voy., t. II, p. 72) donna sans nom une
autre figure, mais très-infidèle, de cet animal, en faisant connaître sa manière de
vivre dans des terriers ; et c’est probablement à lui qu’on dut les deux premiers individus
de cette espèce qui furent vus en France, et qu’il offrit à Louis XIV au retour
de son second voyage dans le Levant. Shaw, dans son Voyage en Barbarie
(trad. fr ., tom. 1 , pag. 321 ) , ajoute quelques particularités à ce qu’on devait aux
auteurs précédens, et nous apprend que les Arabes nomment cet animal Jerhoa
ou Yerboa, d’où lui venait indubitablement le nom de Gerbo, rapporté par Le
Bruyn, et qui a été conservé ; mais je dois faire remarquer que, par une erreur de
typographie sans doute, il dit des pieds de devant, pour le nombre des doigts, ce
qui est des pieds de derrière, et réciproquement. Asselquist (Act. holm., tom. XIV)
joignit une figure très-imparfaite, et dessinée d’après une peau desséchée, à sa
description fort superficielle d’une Souris des montagnes d’Egypte, que les Arabes,
dit-il, nomment Gherbuah3 ce qui n’ajouta absolument rien à ce que Ion connaissait
de cette espèce. Allamand, que Buffon a copié en donnant d’autres figures
que les siennes, et plus imparfaites (Supp. V I, pl. 39 et 4o ) , sans en faire connaître
l’origine, entre dans de plus grands détails, et représente la bande blanche qui se
remarque au bas de la cuisse de cet animal, dont il donne une bonne figure. Ce