LE PITHÉCHÉIR MÉL ANCRE.
T ant que j ’ai conservé l’espérance qu’un jour les papiers laissés par M. Alfred
Duvaucel, me seraient rendus, que les nombreuses notes qu’il m’annonçait par sa
correspondance, et que les dessins qu’il avait fait faire pour mon ouvrage tomberaient
entre des mains assez fidèles pour les adresser à sa famille, après qu’à
Madras il eût succombé aux fatigues et aux dangers de toute espèce; tant, dis-je,
que j ’ai eu l’espoir de recouvrer les richesses qu’il avait accumulées par quatre
années de travaux, j ’ai dû ne point publier les animaux dont il m’avait envoyé les
peintures, sans y joindre de description, ni surtout de ces détails pleins d’intérêt
et de vie dont il savait si bien animer leur histoire.
Aujourd’hui, après dix ans d’attente, je dois renoncer à la pensée que l’héritage
scientifique de mon ami pourra m’être un jour rendu; mais, en même temps ,
naît pour moi le devoir de faire connaître tout ce qui, dans les envois qu’il m’a faits,
se trouve être assez complet pour que la science en puisse profiter, et pour que
quelques traces en restent dans la mémoire des naturalistes qui savent apprécier
le sacrifice d’une vie fait au profit des connaissances qu’ils se font gloire de propager.
Ce sont ces motifs qui me déterminent aujourd’hui à publier des figures sur lesquelles
je n’ai point reçu de notes explicatives, et entre autres celle du Mammifère
que je donne ici sous les noms de Pithéchéir Mélanure, noms qui expriment les
caractères principaux de cet animal. Par ces caractères, nous voyons que ce Mammifère
se rapproche des Rats et des Sarigues, sans toutefois pouvoir être réuni
intimement ni à l’un ni à l’autre de ces genres. La tête et la queue rappellent la
tête et la queue des Rats, tandis que les pieds de derrière et un peu la tête rappellent
les Pédimanes américains. Mais les pouces, très-séparés aux pieds de derrière,
avec un ongle plat, et ceux des pieds de devant, quoique très-courts, garnis aussi
d’ongles aplatis et paraissant également opposables aux autres doigts, ne permettent
pas d’admettre cet animal parmi les Rats; on ne peut pas davantage le considérer
comme une Sarigue, à cause de ce pouce des membres antérieurs et de sa queue
non prenante.
D’après ces caractères, tirés des organes du mouvement, le Pithéchéir nous présenterait
le type d’un genre nouveau, et probablement de l’ordre des Rongeurs
ou de la famille des Pédimanes; mais cette question restera douteuse jusqu’à ce
qu’on ait connaissance de son système de dentition.
Les couleurs de son pelage, d’un beau fauve uniforme et sa queue noire l’éloi—
gnent également des genres dont nous venons de parler. En effet, toutes les espèces