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L ’ISATIS GRIS.
L e s régions septentrionales de l’ancien monde, l’Irlande, la Laponie, la Sibérie, le
Kamstchatka, nourrissent des animaux qui appartiennent à la famille des Chiens, mais
qui se distinguent de toutes les autres espèces de cette famille par les poils qui garnissent
la plante de leurs pieds, et entourent entièrement leurs doigts, et par une
physionomie qui paraît leur être aussi particulière. Leurs pieds velus, semblables sous
ce rapport à ceux des Lièvres, leur a valu le nom de Lagopus, et c’est sous cette
dénomination, ou sous celle d’isatis, qu’on les trouve indiqués dans les catalogues
méthodiques-Tous ceux qui, jusqu’à présent, ont parlé de ces animaux, les considèrent
commp appnrtF.nqnt à la même espèce, et n’admettent que comme variétés
les individus qui présentent des caractères düFérens. de ceux qu’ils ont fixés à cette
espèce. Or, ces caractères consistent, outre celui des pieds, en un pelage qui
change du brun au blanc, de L’été à l’hiver, et en une queue de couleur uniforme
dans toute sa longueur. Jusqu’à présent on reconnaît deux variétés à cette espèce :
l’une qui devient blanche en hiver, mais qui est noire en été; l’autre qui est grise
et qui ne change jamais de couleur.
On ne peut attribuer qu’à l’état incertain de la science, qu’à l’absence de toute
règle pour caractériser les variétés, qu’à l’espèce de fascination que les méthodes
artificielles ont long-temps exercée sur les esprits, la détermination d admettre,
comme simples variétés d’une espèce, ces Chiens aux doigts velus, l’un noir en
été et l’autre gris durant toute l’année; - car cette détermination ne reposait sur
aucun fait, aucune observation directe. Personne, en effet, n’a dit, que je sache,
avoir vu des Isatis indifféremment bruns ou noirs en é té , ou des individus bien
portans de cette espèce conserver un pelage gris dans toutes les saisons. Au contraire
tous les Isatis qui ont été élevés en esclavage changeaient leur pelage brun
d’été contre leur pelage blanc d’hiver, lorsque cette dernière saison était arrivée,
comme s’ils fussent restés libres; et si les individus à pelage noir n’ont ete le sujet
d’aucune observation propre à constater la fixité ou la variabilité de leur couleur,
les individus constamment gris ne laissent aucun doute sur la duree des teintes de
leur pelage, et l’inefficacité absolue des saisons pour les modifier.
Quand les règles manquent à l’histoire naturelle, les analogies restent et en tiennent
lieu. Or, les observations directes ne nous ayant rien appris sur les vrais
rapports d’espèce ou de variété que peuvent avoir entre eux les animaux dont
nous venons de parler, il restait à rechercher ce que les autres especes de la meme
famille, plus communes et mieux observées, nous apprenaient à cet égard, et a
conclure ensuite de ces espèces mieux connues à celles qui le sont moins, bn
procédant ainsi, nous ne trouvons absolument rien qui justifie la reunion en