Un bateau, qui transportait de la poudre à tirer, des manufactures d’Amsterdam
aux magasins de Delft, éclata au milieu de la ville, dans le canal nommé
Rapenbwrg, dont les quais étaient bordés des plus belles maisons. Par cette
épouvantable explosion, la plupart de ces bâtimens furent renvérsés, et encombrèrent
le canal; les maisons qui étaient restées debout menaçaient
ruine à chaque instant; du milieu des débris épars et des décombres amoncelés
s’échappaient la fumée et les flammes. Huit cents maisons furent ou
renversées ou endommagées. Les hàbitans consternés, ne sachant ce quil
fallait faire, ni ce qui les menaçait encore, parcouraient les rues d’un air
effaré; d’autres avec stupéfaction, attendaient leur sort sous leurs toits chan-
celans, et envisageaient avec une sorte d’insouciance l ’écroulement des maisons
voisines, dont les leurs étaient à chaque instant menacées. L’un réclamait son
père, l’autre son enfant, un troisième son épouse. On épiait sur lès dénombres
les voix des malheureuses victimes, non encore étouffées; on s’empressait autour
de Pendæoit d’où ces cris se faisaient entendre, et trop souvent l’impatience de
sauver des êtres chéris devenait fatale aux malheureux, 'sur lesquels l’affaisse.,
ment des débris s’achevait.'Des pompes à incendie étaient en activité Sur diffé-
rens points, afin d’arrêter le progrès des flammes. Les membres de la Régence,
qui presque tous avaient à déplorer la perte d’un ou dé plusieurs des leurs,
oubliaient leurs propres infortunes, pour ne songer qu’au soulagement des maux
de leurs concitoyens.
Une secousse de tremblement de terre et une lueur Tougeâtre à l’horizon, du
côté de Leyde, annoncèrent à la Haye un violent incendie. Aussitôt que le Roi,
au retour d’un de ses aides de camp, apprit l’épouvantable catastrophe, il oublia
toutes ses souffrances, restes d’une longue et pénible maladie, pour voler au
secours de ces infortunés. Dès son arrivée à Leyde, S. M. fut vivement frappée
du triste spectacle qui s’offraità ses yeux. Accompagné des ¡magistrats, du directeur
général du Waterstaat M. Twent, de son aide de camp M. Kraijenhoff,
du colonel de la garde bourgeoise M. Cuneus et de plusieurs autres officiers,
le Roi parcourut l’affligeant et le douleureux théâtre de la plus horrible désolation.
S. M. montra dans cette circonstance de nobles sentimens d’humanité,
et prodigua des consolations et des .secours à ceux que ce malheur inoud venait
de frapper. Rien n’égalait le zèle et les efforts du Roi et de ceux qui l’entouraient,
pour arracher à la mort la plus affreuse, les malheureuses victimes, dont
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ils espéraient sauver les jours, en exposant presque inévitablement les leurs. Le
Roi, qui avait fait venir les garnisons voisines, partagea tous les hommes, appelés
et accourus aù secours, en trois corps, dont un fut destiné pour chaque
bord du canal, et le troisième pour le reste de la ville. Il augmenta le nombre
des pompes à incendie; il manda de la Haye tout ce qui pouvait porter secours,
et fit venir tout ce qui pouvait être utile au soulagement des malheureux; il
demanda des secours aux villes d’Amsterdam, de Rotterdam et de Dordrecht.
H donna l’ordre aux troupes de ne s’occuper d’abord, qu’à retirer les victimes
de dessous les décombres, et promit uüe récompense de dix ducats à quiconque
aurait concouru à sauver une des victimes.
L’exemple du Roi ne contribua pas peu à augmenter le zèle, à enflammer le
courage de tous ceux qui étaient témoins de’ ce désolant spectacle. Aussi eut-
on la satisfaction de rendre à la vie un grand nombre de citoyens, qui, sans
ces secours héroïques, auraient trouvé la mort sous les débris de leurs habitations.
Ceux qui étaient blessés, furent transportés immédiatement à l’hôpital,
où ils se virent traités avec tous les soins que la charité, et . le dévouement
peuvent inspirer. Le Roi fit ouvrir sa maison du Bois à la Haye, et la mit à
la disposition des familles qui avaient perdu leurs habitations; ce noble exemple
fut suivi par M. Oosthuizen à la Haye, qui .offrit dans le même but ses deux
maisons de campagne, l’une située à Monster, et l’autre près de Eik-en-Duinen.
Durant tout ce temps les pompes à incendie avaient manoeuvré tres-active-
ment; la garde royale, la bourgeoisie et les étudians de l’université se distinguèrent
à l’envi par le zèle, le courage et le dévouement, dont ils donnèrent des
preuves si éclatantes dans cette affreuse nuit. Témoin du zele etxdes efforts de
ces derniers, le Roi leur donna les plus grands éloges, et des preuves non
équivoques de son approbation.
Au point du jour le résultat, par rapport aux recherches, était déjà remarquable;
sur tous les points on était maître de l’incendie.
Le Roi qui, durant cette épouvantable nuit, avait fait preuve dun si noble
caractère d’humanité, rentra à la Haye dans la matinée, après avoir donné des
ordres pour les nouvelles mesures, qui restaient à prendre. Dans la suite S. M.
proposa au corps législatif toutes les mesures propres à rétablir la ville, et se
chargea lui-même de pourvoir aux premiers besoins. Une souscription fut ouverte
par l’ordre du Roi: on vit des enfans offrir leurs épargnes, les soldats leur paie,
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