Voici comment l'Empereur lui-même s'est exprimé en parlant de la
réunion de la Hollande :
„Que me restait-il à faire ? Fallait-il laisser la Hollande à la disposition
/7de nos ennemis'? Fallait-il nommer un nouveau Roi? Mais devais-je
„attendre de lui plus que de mon frère? Tous ceux que je faisais
7/n'agissaient-ils pas à peu près de même? Je réunis la Hollande, et
„toutefois cet acte eut le plus mauvais effet en Europe, et n'a pas peu
//Contribué à préparer nos malheurs.",)
Aussi a t-il dit en parlant de son frère le Roi de Hollande. „ . . . . Louis
„n'eût-il point fui d'Amsterdam, je ne me serais pas vu contraint de
„réunir son Royaume, ce qui a contribué à me perdre en Europe." 2)
Ceux qui voient loin et jugent sans prévention, seront aussi convaincus
•qu'au milieu des grands événements, cette réunion n'a été que l'oeuvre
fortuite des circonstances et non celle d'un caprice ou d'un calcul prémédité.
Il est incontestable, que le système continental, lés vues différentes
des deux frères sur ce point, ainsi que la politique de l'Angleterre, ont
beaucoup contribué à la réunion de la Hollande à l'Empire Français.
Lorsque le Roi Louis-Napoléon apprit la nouvelle de la réunion de la
Hollande à la France, sa surprise et sa douleur furent extrêmes, et dès
qu'il eût connaissance des pièces officielles, il fit la protestation suivante.
Les événemens qui m’ont forcé à remettre la couronne au prince royal, sont à
peu près connus des souverains avec lesquels j’étais en relation. Ce n’est que dans
quelque temps encore que tous les détails pourront être dévoilés. Retiré chez S. M.
1 empereur et roi François H, je voulais me contraindre au silence; mais je suis
obligé de le rompre aujourd’hui que les journaux m’apportent le décret du 9 juillet.
J’y suis obligé pour l’intérêt de mon pays, pour ma justification, et au nom du
jeune roi mineur dans ce moment, mais qui doit parvenir à sa majorité sans perdre
les droits que Dieu et la nation lui ont donnés à la couronne.
Les circonstances actuelles qui rendent impossible la publication des moindres
actes ou docümens sans l’aveu ae l’empereur mon frère, l’etat d’incertitude et d’isolément
dans lequel je suis, environné de gens non éprouvés; tout rendra la remise
et. la publication de cet acte difficiles; mais les sentimens que je porte à l’empereur
François et à l’empereur Alexandre me font espérer de trouver un jour l’occasion
de le leur remettre sûrement, et de donner ainsi à la nation et à mon fils le moyen
•de faire valoir leurs droits, et de justifier ma mémoire quand les circonstances le
permettront.
La constitution de l’état, garantie par l’empereur mon frère, me donnait le droit
i ) Mémorial de Sainte-Hélène, Tome V I , pag 184— 185.
a) Idem, Tome I I I , page 260—261.
d’abdiquer en faveur de mes enfans. Cette abdication a eu lieu dans les forme et
teneur prescrites par la constitution.
L’empereur n’avait aucun droit de déclarer la guerre à la Hollande, et il ne l’a
point fait.
Il n’y a aucun acte, aucun assentiment, aucune demande de la nation hollandaise
qui puisse autoriser la réunion prétendue. Mon abdication ne laisse point le trône
vacant; je n’ai abdiqué qu’én faveur et pour mes enfans.
Cette abdication laissant la Hollande pour douze ans encore sous une régence,
c?est-à-dire, sous l’influente directe de 1 empereur, aux termes de la constitution,
il n’avait aucun besoin de cette réunion pour faire exécuter toutes ses volontés
contre le commerce et contre l’Angleterre, puisqu’il n’y avait plus par-là que sa
volonté en Hollande.
D’après cette dernière considération, il est donc prouvé aux yeux de l’univers, à
ceux des souverains en paix avec,la France et la Hollande aux yeux de tous les
Français, que les querelles, les reproches, lés accusations si souvent répétées dans
les journaux et les piçces officielles contre la Hollande et contre moi, n étaient que
des calomnies, des prétextés pour arriver à la réunion. Si cela n’avait point été
depuis longtemps le but de la politique envers le roi de Hollande, on aurait approuvé
son abdication, qui donnait une facilité et un pouvoir absolu à l’empereur sur la
Hollande, puisque, d’après la constitution, il avait le droit de nommer lé régent.
Ainsi donc, on n’a pas craint de vouloir faire du nom de l’empereur, de son frère,
un instrument de perfidie et de mort envers toute une nation!
Ainsi donc il est prouvé que le roi devait servir malgré lui, d’intermédiaire à la
réunion, comme le gouvernement du grand-pensionnaire a servi d’intermédiaire à
la monarchie.
Mais je suis monté sur le trône sans autres conditions que celles que me dictaient
nia conscience, mes devoirs, l’intérêt et le bien-être de mon peuple. Je déclare
donc, devant Dieu et les souverains indépendans auxquels je m’adresse :
1°. Que le traité imposé le 16 mars 1810, qui a donné l’occasion de séparer dé
la Hollande les provinces de Zélande et de Brabant, a été accepté par force, et
ratifié conditionnellement par moi à Paris, où j’étais retenu contre mon gré; qu'en
outre, il n’a jamais été exécuté de la part de l’empereur mon frère. Au lieu dé
six mille Français que je devais entretenir aux térmes du traité, ce nombre a été
plus que doublé ; au lieu de n’occuper que les embouchures des rivières et les côtes,
les douaniers français ont envahi l’intérieur du pays; au lieu de ne se mêler que
dés mesures relatives au blocus de l’Angleterre, on s’est emparé des magasins dé
l’état, on a emprisonné les Hollandais arbitrairement; et enfin on n’a tenu aucune
des promesses verbales faites par le ministre des affaires étrangères, duc dèCadore,
au nom de l’empereur, d’accorder des indemnités pour les pays cédés par ledit
traité, d’en adoucir l’exécution si le roi voulait s’en rapporter entièrement à l’empereur
, etc. En conséquence, je déclare en mon nom, en celui de la nation et de
mon fils, le traité imposé le 16 mars 1810 par l’empereur, comme nul et de nul
effet.
2°. Je déclare que mon abdication n’a eu lieu qu’à la dernière extrémité, forcé
par l’empereur mon frère à ce seul parti qui me restait de conserver les droits de
la Hollande et de mes enfans, et qu’elle n’a eu lieu et ne peut avoir lieu qu’en
faveur de ceux-ci.
3°. En mon nom, au. nom du roi mineur et de la nation hollandaise, je déclare
la prétendue réunion de la Hollande à la France mentionnée dans le décret de
l’empereur mon frère, en date du 9 juillet passé, comme nulle et de nul effet,