lui demanda ce qu’il aurait à faire dans le cas ou il serait impossible
de sauver à-la-fois la mère et l’enfant. //Ne pensez qu’a la mère, dit
„vivement l’Empereur, j’aurai un autre enfant. Conduisez-vous ici comme
„si vous attendiez le fils d’un savetier.”
L’Empereur se rendit aussitôt lui même auprès de l’Impératrice,
l’embrassa tendrement et l’exhorta au courage et à la patience. Elle
était réellement en danger; l’enfant se présentait mal et tout portait à
croire qu’il serait étouffé.
L’Empereur voyant que le Dr. Dubois hésitait encore, lui demanda
pourquoi il ne l’accouchait pas. Celui-ci s’en défendit, ne le voulant,
disait-il, qu’en présence de M. Corvisart, qui n’était pas encore arrive.
„Mais que vous dira-t-il P disait l’Empereur. Si c’est un témoin ou une
„justification que vous vous réservez, me voila moi.” M. Dubois alors,
mettant bas son habit, se mit au travail. A l’aspect des fers l’Impératrice
poussa des cris douloureux, s’écriant qu’on voulait la tuer. Pendant
tout le travail l’Empereur ne cessa de prodiguer à l’Impératrice les soins
les plus touchants.
Le 20, à neuf heures vingt minutes du matin, l’Impératrice fut délivrée;
mais pendant sept minutes l’enfant ne donna aucun signe de v ie , et ce
ne fut qu’après lui avoir soufflé de l’eau-de-vie dans les narines, l’avoir
frappé du plat de la main sur tout le corps, et l’avoir couvert de serviettes
chaudes, qu’il ouvrit les yeux. Ceci se passa en présence de vingt-deux
personnes.
H avait été publié qu’on tirerait vingt-et-un coups de canon pour la nais-
ance d’une Princesse et cent un pour la naissance d’un Prince. Au premier
coup annonçant la délivrance de l’Impératrice, tout Paris resta en suspens
dans les promenades, dans les rues, dans l’intérieur des maisons, dans les
assemblées publiques. La population toute entière fut occupée à compter
le nombre de coups de canon; le vingt-deuxième excita l’ivresse générale.
Dès que l’enfant eut été présenté à l’Empereur, Mme la Comtesse de
Montesquiou, Gouvernante des enfants de France, le présenta au Prince
Archi-chancelier de l’Empire. Le Comte Regnaud de Saint Jean-d Angely,
Secrétaire d’État de la famüle Impériale dressa le procès-verbal de la
naissance, et l’acte civil qui fut signé comme témoins, par le Grand-Duc
de Wurtzbourg et le Prince Eugène, Vice-Roi d’Italie.
Cette formalité étant r em p lie ,l’Empereur se rendit dans le salon et
apposa sa signature sur les registres, qui furent signés également par
S. I l I. Madame Mère, S. M. la Reine d’Espagne, S. M. la Reine Hortense,
S. A. I. Mme la Princesse Pauline, S. A. I. le Prince Borghèse, et
S. A. I. le Prince Vice-Roi d’Italie. L’Empereur reçut ensuite les félicitations
des Princes Grands-dignitaires, des Ministres, des Grands-officiers
de la couronne et des Grands-officiers de l’Empire.' Il envoya le premier
page au Sénat et le second, M. Gevers, au Corps Municipal de Paris,
pour leur annoncer la naissance du R’bi de Rome.
Le Corps Municipal vota une pension viagère de 10,000 francs au
profit dè M. Gevers, qui était venu porter à la préfecture cette heureuse
nouvelle.
Les lettres adressées aux Princes et Princesses, parents de l’Empereur
et de l’Impératrice, furent écrites de la main de l’Empereur et portées par
des officiers de sa maison. S. Exc. le Comte de Ségur, Grand-Maître des
cérémonies, envoya chez les Ambassadeurs, M. le Baron du Hamèl,
Maître-des-cérémonies, et chez les Ministres étrangers, M. d’Argainaratz,
Aide-des-cérémonies, pour leur faire part de cet événement.
Le Duc de Cadore, Ministre des relations extérieures, dépêcha de suite
des courriers extraordinaires aux Ambassadeurs et Ministres de l’Empereur
dans les cours étrangères, pour leur faire part de l’accouchement de
l’Impératrice.
Le soir le nouveau né fut ondoyé avec beaucoup de solennité dans la
chapelle du palais des Tuileries, par le Cardinal Grand-aumônier. A peine
la nouvelle de la naissance du Roi de Rome fut-elle connue dans les
cours étrangères, que les Souverains s’empressèrent d’envoyer complimenter
l’Empereur.
Le soir du 21 mars 1811, le Directeur-général de la police en Hollande,
qui se trouvait au théâtre à Amsterdam, fit tout à coup suspendre la
représentation et proclama la naissance du Roi de Rome.
Cette heureuse nouvelle, que S. A. S. le Prince Gouverneur-Général
lui avait envoyée, fut reçue aux grands applaudissements de la foule et
aux cris répétés de Vive V Empereu/r ! Vive VImpératrice ! Vive leur auguste fils !
Le Maire d’Amsterdam, pour notifier la joyeuse nouvelle aux habitants
de cette capitale, publia l’avis suivant.